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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 17:21

Nous quittons donc la Casamance le 12 février. Chicco, notre ami casaçais est venu nous dire au-revoir. Il offre aux enfants ses biens les plus personnels, un bracelet et un collier qu’il ne quitte jamais. Il reçoit de leur part deux beaux dessins, condensés des souvenirs qu’ils ont accumulés chez lui.

L’embarquement à bord de l’Aline Sitoé Diatta n’est pas aussi simple qu’à l’aller : nous ne pouvons emmener, dans notre cabine, le beau djembé que nous avons acheté au Cap à Has, un ami de Chicco, professeur de percussions qui, dans le pack, nous a offert quelques heures de leçons en prime. Deux canifs et quelques couverts font également partie des objets que nous « retrouverons à l’arrivée ». Nous réclamons un reçu mais le militaire de service nous demande, sourire en coin, si c’est la première fois que nous venons au Sénégal. Nous n’avons d’autres choix que de lui faire confiance, sans trop y croire et estimons à 50% nos chances de récupérer nos biens. Sur le bateau, nous faisons la connaissance de Francia, rencontrée sur Forum Voyage, ainsi que d’un couple de belges dont le fils et sa famille ont voyagé l’an dernier pendant 7 mois. Nous dînons ensemble et passons une agréable soirée, malgré la houle qui secoue le bateau. Après une nuit un peu agitée, nous arrivons à Dakar au petit matin et avons l’heureuse surprise de récupérer djembé, canifs et couverts… Une fois de plus, nos soupçons et craintes se sont avérés injustifiés.

Au port de Dakar, nous sommes pris en charge par Demba, un chauffeur dont nous avons réservé les services pour 4 jours. Nous convenons de monter directement vers le parc du Djoudj, à la frontière de la Mauritanie, située à plus de 300 km au nord de la capitale. La route est en très bon état, nous traversons des plaines de baobab, ponctuées de petits marchés et de villages de cases. Ce serait joli s’il n’y avait pas tous ces plastiques et ces déchets qui sont autant de taches dans le paysage. En chemin, nous nous arrêtons pour acheter de l’eau et des fruits. La voiture est aussitôt entourée de gamins nous déshabillant littéralement du regard, le nez collé aux vitres, mendiant argent, bonbons, stylos, ou tout ce qui peut être échangé ou revendu. Certains sont des talibés, ces enfants inscrits à l’école coranique où, pour payer « leur pension », ils en sont réduits à mendier. Demba, qui est musulman, tente de justifier l’existence de ces écoles : pour beaucoup d’enfants, délaissés par leurs parents, c’est ça ou la rue, et les marabouts, les maîtres de ces écoles, ne reçoivent aucune aide pour les entretenir. Mais il n’empêche, nous savons aussi que beaucoup d’enfants sont exploités, que certaines associations les protégeant sont l’objet de menaces, et qu’auront-ils appris dans ces écoles, quel avenir leur est réservé ? Nous n’avons pas envie de contribuer à ce système, nous sommes mal à l’aise et finissons par les ignorer en faisant semblant de ne pas les voir. Nous nous sentons bien loin de la Casamance où, dans les campements villageois, on demandait aux touristes de ne rien donner aux enfants pour ne pas déstabiliser le système social et engendrer la mendicité…

Mais l’heure n’est pas à la mélancolie, il nous reste 10 jours avant la fin de notre périple et nous avons l’intention d’en profiter jusqu’au bout et de faire le plein d’images fortes. Nous arrivons au Djoudj en fin d’après-midi, après une halte à Saint-Louis où nous avons réservé notre logement du lendemain. Nous nous installons au campement Njagabaar, où l’on implique les villageois dans la gestion de la réserve en leur proposant, entr’autre, des fours solaires pour épargner le bois.

Le parc national des oiseaux du Djoudj, classé au patrimoine de l’Unesco, est une réserve ornithologique de renommée mondiale. Englobant une partie du fleuve Sénégal, il est l’une des premières zones au sud du Sahara à offrir de l’eau en permanence, ce qui en fait une halte cruciale pour les oiseaux migrateurs. Près de trois millions d’oiseaux transitent par le parc chaque année et on y dénombre plus de 350 espèces.

Le lendemain matin, nous partons de bonne heure pour une balade en pirogue qui, deux heures durant, nous amène à travers criques, lacs et marécages observer les oiseaux et la faune aquatique. Nous apprenons à reconnaître les hérons cendrés, les ibis, les spatules, les aigrettes, les cigognes noires, les grands cormorans, les oiseaux-serpents, d’autres dont nous avons oublié le nom et quelques aigles également. Au milieu des roseaux, nous dénichons deux crocodiles et trois varans et sur la berge, nous apercevons un grand nombre de phacochères. Mais le point d’orgue du Djoudj, c’est incontestablement les milliers de pélicans qui l’habitent en permanence. Nous en sommes cernés de toutes parts, ils sont sur l’eau, dans le ciel, par petits groupes ou par dizaines. Nous approchons du nichoir, un rocher où les petits, tout noirs, attendent leur pitance ou apprennent à nager en compagnie de leur maître-nageur. Et lorsque, en fin de parcours, ce sont des centaines de pélicans qui volent à quelques mètres au-dessus de nos têtes, le spectacle est saisissant, époustouflant … à tel point que Bruno filme la scène, caméra « en veille » !

Après la pirogue, c’est en voiture que nous partons vers le grand lac, où des colonies de flamands roses séjournent en attendant de remonter, dans quelques mois, vers la Camargue. Ils sont malheureusement un peu loin de la berge, mais la longue vue du guide nous permet de les contempler. Sur la route du retour, nous croisons un chacal et quelques singes patas, au grand plaisir des enfants.

Après cette magnifique excursion, nous redescendons vers l’île Saint-Louis, qui fût, au XVIIème siècle la première colonie française en Afrique. Nous y accédons par le pont Faidherbe, bel édifice de 507 mètres de long aux arches métalliques, emblématique de la ville mythique. Celle-ci, réputée pour son festival international de jazz, est classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000. Mais si l’on peut facilement imaginer sa splendeur passée au vu de son architecture, de ses belles façades colorées aux balcons en fer forgé, derrière lesquelles se cachent d’intéressants patios, beaucoup de bâtiments sont en ruine, négligés ou couverts de tags en attendant leur hypothétique restauration. Nous flânons un moment dans les ruelles ombragées en compagnie de Demba, avec lequel nous parlons beaucoup de l’islam. Il est très croyant et pratiquant mais se montre tolérant et ouvert aux autres convictions. Simple mécanicien, il a un excellent niveau d’élocution et Bruno passe de longues heures à discuter avec lui, dans la voiture ou en soirée. Nous logeons dans une auberge de jeunesse, L’Atlantide, et avant de quitter la ville traversons le quartier de Guet N’Dar, situé sur la presqu’île de la langue de Barbarie, elle-même séparée de Saint-Louis par deux ponts. C’est un gros village de pêcheurs, surpeuplé, où l’on se relaie pour dormir dans les cases minuscules : les enfants grouillent de partout pendant que leurs pères récupèrent de leur pêche nocturne ; les chèvres se disputent les immondices, papiers et cartons qui s’accumulent partout ; les centaines de pirogues multicolores attendent le départ de la prochaine sortie. Nous ne nous attardons pas et filons vers l’étape suivante, le désert de Lompoul.   

A mi-chemin entre Saint-Louis et Dakar, à une encablure de la côte, d’énormes dunes s’enfoncent sur quelques kilomètres à l’intérieur du pays et s’étendent à perte de vue. La route entre Kébémer, sur la voie principale, et le village de Lompoul est superbe … et propre. Quel bonheur de voir une nature intacte, sans ces immondes sacs plastiques ! Avant de rejoindre notre campement, nous improvisons un pique-nique dans les dunes, puis laissons la voiture au village avant d’être pris en charge par le 4x4 du Gîte Africain. Le trajet dans les dunes est secoué, les enfants s’éclatent ! Après 3 kilomètres, nous arrivons au campement, magnifiquement situé dans les dunes de sable blond, dont certaines sont vierges de toute végétation. Il se compose de quelques tentes mauritaniennes d’une dizaine de mètres carrés. Nous prenons possession de la nôtre, quatre matelas sur des nattes posées à même le sable, un poteau central, une toile recouvrant le tout.  Demba et les enfants, rejoints par trois gamins du coin, vont se rouler dans une dune, haute de près de 30 mètres. Il y a même un surf, et descendre la dune, assis, debout ou couché sur la planche est très amusant ! Le soir, après le couscous sous la grande tente, nous rejoignons notre logis. Serrés les uns contre les autres, dans le noir absolu, nous nous racontons des histoires, des souvenirs du voyage. J’adore ces moments d’intimité en famille…

Le lendemain matin, nous profitons encore des dunes avant de quitter le campement. C’est notre dernier jour avec Demba, il doit nous déposer le soir même à Popenguine, à une soixantaine de kilomètres au sud de Dakar, le long de la côte. Mais avant cela, nous voulons encore visiter le parc de Bandia, petite réserve faunique de 3500 hectares abritant des espèces endémiques du Sénégal et d’autres mammifères qui n’ont jamais vécu en Afrique de l’Ouest ou ont disparu de la région depuis longtemps. Il n’y a par contre pas d’éléphants, à cause de la petite taille du territoire, ni de félins, prédateurs des autres animaux. Nous circulons dans la voiture de Demba, en compagnie d’une guide.  Très vite, grâce à l’œil attentif de Thibault, nous voyons nos premiers impalas. Au fur et à mesure de notre progression, ce sont des antilopes-cheval, des kudus, des buffles, des girafes, des autruches, des singes et beaucoup d’oiseaux, dont les petits calaos à bec rouge et le rôlier d’Abissinie, de couleur turquoise. Les animaux sont visibles de très près, seuls les kudus et quelques antilopes s’enfuient à notre approche. En passant devant un garde, celui-ci nous signale avoir vu à proximité le seul couple de rhinocéros qui habite la réserve. Nous quittons la piste, partons à leur recherche et finissons par tomber nez à nez dessus. Nous n’avons jamais vu de rhinocéros aussi gros, ou alors d’aussi près… Toujours est-il qu’ils nous paraissent énormes, ils n’ont pourtant que 10 ans et pèsent à peine 3 ½ tonnes… Nous sommes à 5-6 mètres d’eux, un peu anxieux malgré tout, mais ils broutent paisiblement et nous pouvons les observer à loisir. Nous verrons également, au point d’eau, une dizaine de crocodiles et d’énormes tortues. Il n’y a que les zèbres que nous ne verrons pas, nous rappelant que nous ne sommes pas dans un zoo mais dans une réserve où les animaux évoluent en toute liberté…

Arrivés à Popenguine, à l’écart du tourisme de masse de la Petite Côte, nous renonçons à l’hôtel que nous avions réservé, trop triste et négligé, et finissons par trouver, avec l’aide de Demba, une petite maison surplombant l’océan. La vue est imprenable depuis le salon et la grande terrasse, et un petit escalier offre un accès direct à la jolie plage de sable quasi déserte. Nous déjeunons sous une paillotte, les pieds dans le sable, et achetons nos fruits et légumes aux mamas qui nous rendent visite tous les matins. Le village est situé en bordure de magnifiques falaises et d’une petite réserve naturelle, lieu d’agréables promenades. Nous apprécions pleinement de pouvoir nous poser, nous profitons bien de ces quelques jours de vraies vacances et ne pouvions rêver meilleur cadre pour clore en beauté notre périple… 

Nous reprenons l’avion mercredi soir, le 23 février, après cinq mois de voyage, en espérant échapper aux grèves d'Iberia et aux manifestations sanglantes pré-électorales qui secouent Dakar depuis quelques jours. Je reprendrai une dernière fois la plume dans une quinzaine de jours, pour en faire le bilan…

 

 

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commentaires

P
<br /> Que dire de plus.  Tout c'est bien déroulé et j'en suis fort heureux pour vous.  Je ne sais pas si j'aurais pu le faire.  A moi de vous dire merci de nous avoir permis de voyager<br /> un peu par vos textes, commentaires et photos.<br /> Au plaisir de très vite vous revoir pour entendre de vive voix vos anecdotes et autres faits de vos voyages.<br /> Philippe<br />
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A
<br /> c'est le jour du retour alors! Je lis vos dernières aventures, avec des crocodiles et des rhino... de superbes endroits dans la faune et la flore africaines... et des moments d'intimité familiale<br /> magiques... quel magnifique voyage, j'ai vraiment bcp aimé tes récits Claire! J'espère que vous n'aurez pas été trop proches des manifestations pré-électorales. Bon retour à tous les quatre...<br /> nous nous réjouissons de vous revoir, un peu africano-asiatiques maintenant... Tania et moi sommes prêtes pour un départ vers les pays latino américains si çà vous dit! Bisous <br />
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T
<br /> <br /> Eh oui, c'est le retour puisque je t'écris ... de l'aéroport de Dakar ! Nous n'avons rencontré aucune manif sur le trajet, juste un rassemblement qui risque malheureusement de dégénérer en<br /> soirée... Et notre vol est annoncé, donc pas de grèves en vue non plus...<br /> <br /> <br /> Moi aussi, ça m'a fait plaisir que tu nous suives avec autant d'intérêt ! Et bien sûr que l'Amérique latine me tente !!! On en reparle bientôt en live...<br /> <br /> <br /> Bises à toute la famille<br /> <br /> <br /> <br />