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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 18:33

Voici tout juste un mois que nous sommes rentrés… La vie a très vite repris son cours : à peine débarqués de l’avion, Bruno se rendait chez ses clients ; nous nous remettions à courir pour régler les inscriptions scolaires et académiques, les rendez-vous chez le médecin, dentiste, garage,… ; je reprenais le boulot, et les enfants la musique et l’école. Ils étaient excités à l’idée d’y retourner et de revoir leurs copains et n’ont eu aucune peine à retrouver le rythme scolaire.

 

Petit retour en arrière avant de revenir au bilan : bien que ce voyage nous trottait en tête  depuis de longues années, le passage du cap entre le rêve et la mise en route de sa réalisation n’a pas été des plus faciles, pour moi en tout cas. Vu ma grande capacité à imaginer les catastrophes avant même qu’elles ne surviennent, j’ai passé quelques nuits blanches à passer en revue tout ce qui pouvait arriver ici pendant notre absence, et sur place également : cambriolage de la maison, maladie de l’un de nous ou d’un proche, vol de notre argent, de nos passeports, de notre ordi, arnaques en tout genre, difficulté de trouver un logement sans réservation, risque pour les enfants de « le payer » au niveau scolaire… Bref, tout y est passé, et j’ai heureusement pu compter sur Bruno pour calmer mes angoisses lorsque je le réveillais en pleine nuit pour lui en faire part…Mais j’étais également déterminée à ne pas passer à côté de ce rêve et ce n’est pas par hasard que sur notre blog figure la citation « La vie s’arrête lorsque la peur de l’inconnu est plus forte que l’élan » (H. Aggoune). Elle reflète parfaitement l’état d’esprit dans lequel j’étais et me boostait quand j’en avais besoin.

 

Nous sommes donc partis, et revenus sans regrets. Rien de tout ce que j’appréhendais n’est arrivé. A part la morsure de Thibault par un singe au Cambodge, que nous avons pu gérer sereinement grâce au vaccin anti-rabique qu’il avait reçu avant le départ, et une petite commotion sans conséquences qu’il a eue en Thaïlande, nous n’avons souffert d’aucun ennui de santé. Pas de vol non plus (au contraire, en Asie, notre cadet a plusieurs fois laissé derrière lui son appareil photo ou sa pochette, il les a toujours récupérés), pas d’extorsions abusives de la part des fonctionnaires asiatiques ou sénégalais dont nous avons croisé le chemin (mis à part, dans une mesure raisonnable, ceux de la frontière terrestre Laos-Cambodge), pas d’arnaques. Nous avons vécu un tremblement de terre à Bali, des inondations à Bangkok et une manifestation sanglante au Sénégal, mais nous avons finalement eu plus de peur que de mal. Nous avons toujours trouvé de quoi nous loger à petit prix, sans réservations préalables. Même le Sénégal, qui nous semblait plus voué au tourisme de masse qu’aux voyages en « routards » nous a agréablement surpris. Nous avons retrouvé nos proches en pleine santé et la maison n’a pas souffert de notre absence. Quant aux enfants, ils n’accusent, jusqu’ici, aucun retard par rapport à leurs condisciples. L’école en voyage leur a manifestement bien réussi !

 

Nous avons voyagé sans dépenses excessives, nous contentant souvent de peu. Mais nous nous sommes offert le luxe d’avoir le temps devant nous, appréciant d’avoir un minimum de contraintes en matière de réservation, qu’il s’agisse de logements ou de transports. Plusieurs fois, nous avons ainsi pu changer nos plans pour nous adapter à notre envie du moment, à notre fatigue passagère, à notre désir de nous poser quelque part. Nous avions limité le nombre de pays à voir et nous en sommes réjouis, nous aurions même pu prolonger notre séjour dans certains endroits…

 

Nous avons à présent la tête pleine d’images : des fonds marins extraordinaires et des rizières luxuriantes ; des temples somptueux et de magnifiques cascades ; des tortues qui nagent et des gibbons qui chantent ; des éléphants qui chargent et d’autres qui se baignent ; des nuages de chauve-souris et des milliers de pélicans ; une crémation en Asie et une fête en Afrique ; des bains dans le Mékong et dans les vagues de l’océan ; des retrouvailles joyeuses à l’autre bout du monde ; des tuks-tuks bigarrés et des bus en bout de course ;  la descente du Mékong et du fleuve Casamance ; des marchés odorants et des insectes frits ; des moniales en blanc et des Noires en boubou ; des enfants qui fument et d’autres qui travaillent ; des semaines sans eau chaude et des nuits sans lumière ; des histoires douloureuses ou touchantes ; des gens qui se battent pour faire bouger les choses ; des sourires et des bonjours dans toutes les campagnes ; des rencontres inoubliables, fugaces ou durables…Souvenirs partagés que nous entretiendrons soigneusement grâce aux articles de ce blog et aux multiples photos qu’il me reste à trier…

 

Mais le plus beau bénéfice de ce voyage est sans doute de l’avoir vécu en famille. Vivre ensemble 24h/24, partager un espace souvent confiné ne nous a pas paru pesant, bien au contraire, nous en appréciions l’intimité. Même les cours aux enfants furent une expérience intéressante.

 

Nous avons aimé leur ouvrir les yeux sur les conditions de vie souvent difficiles des pays que nous traversions, susciter la réflexion sur les différentes religions, sur l’importance (et le poids) des valeurs familiales et traditionnelles rencontrées. Ils ont découvert l’hospitalité et la joie de vivre de celui qui n’a rien. Ils ont joué avec des enfants balinais, laotiens, cambodgiens et fréquenté l’école des petits Sénégalais. Ils ont, petit à petit, dépassé leur peur d’aller vers l’autre, même quand il ne parle pas la même langue. Ils se sont bien accommodé des conditions de voyage parfois difficiles.

 

Et maintenant, qu’en reste-t-il ?

 

Bruno a, plus que jamais, l’envie de s’immerger, quelques mois par an (de préférence en hiver, je crois…), dans d’autres ambiances, d’autres cultures, de se frotter à d’autres modes de vie, d’autres systèmes de valeurs ; et si possible en développant localement de petits projets « équitables » dans la mesure de nos moyens. Dans un premier temps nous soutiendrons le jeune garçon sénégalais auquel nous nous sommes attachés.

 

Personnellement, je n’en suis pas encore là, mais il est clair que ce genre de voyage ne sera pas, si tout va bien, le dernier. J’espère bien pouvoir, dans quelques années, en couple ou en famille, partir à la découverte de l’Amérique du Sud que nous ne connaissons pas encore. Il me reste huit mois de crédit-temps à épuiser…

 

Damien, lui, rêve de découvrir le monde en voilier. Pour allier le plaisir de voyager et celui de naviguer. Il fera son second stage de voile cet été.

 

Quant à Thibault, même s’il a aimé le voyage, et particulièrement le Sénégal, il a encore un peu de mal à se projeter dans l’avenir. On en reparlera plus tard…

 

Et voilà où nous en sommes… Avant de déposer définitivement la plume, je tiens à remercier une fois de plus ma grande sœur pour son appui logistique dont nous n’aurions pas pu nous passer ; ainsi que tous ceux et celles qui nous ont suivis à travers ce blog. Ce fût un réel plaisir de partager nos impressions et j’espère pouvoir réécrire un jour la suite de nos aventures…

 

A bientôt !

 

Claire, Bruno, Damien et Thibault

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 17:21

Nous quittons donc la Casamance le 12 février. Chicco, notre ami casaçais est venu nous dire au-revoir. Il offre aux enfants ses biens les plus personnels, un bracelet et un collier qu’il ne quitte jamais. Il reçoit de leur part deux beaux dessins, condensés des souvenirs qu’ils ont accumulés chez lui.

L’embarquement à bord de l’Aline Sitoé Diatta n’est pas aussi simple qu’à l’aller : nous ne pouvons emmener, dans notre cabine, le beau djembé que nous avons acheté au Cap à Has, un ami de Chicco, professeur de percussions qui, dans le pack, nous a offert quelques heures de leçons en prime. Deux canifs et quelques couverts font également partie des objets que nous « retrouverons à l’arrivée ». Nous réclamons un reçu mais le militaire de service nous demande, sourire en coin, si c’est la première fois que nous venons au Sénégal. Nous n’avons d’autres choix que de lui faire confiance, sans trop y croire et estimons à 50% nos chances de récupérer nos biens. Sur le bateau, nous faisons la connaissance de Francia, rencontrée sur Forum Voyage, ainsi que d’un couple de belges dont le fils et sa famille ont voyagé l’an dernier pendant 7 mois. Nous dînons ensemble et passons une agréable soirée, malgré la houle qui secoue le bateau. Après une nuit un peu agitée, nous arrivons à Dakar au petit matin et avons l’heureuse surprise de récupérer djembé, canifs et couverts… Une fois de plus, nos soupçons et craintes se sont avérés injustifiés.

Au port de Dakar, nous sommes pris en charge par Demba, un chauffeur dont nous avons réservé les services pour 4 jours. Nous convenons de monter directement vers le parc du Djoudj, à la frontière de la Mauritanie, située à plus de 300 km au nord de la capitale. La route est en très bon état, nous traversons des plaines de baobab, ponctuées de petits marchés et de villages de cases. Ce serait joli s’il n’y avait pas tous ces plastiques et ces déchets qui sont autant de taches dans le paysage. En chemin, nous nous arrêtons pour acheter de l’eau et des fruits. La voiture est aussitôt entourée de gamins nous déshabillant littéralement du regard, le nez collé aux vitres, mendiant argent, bonbons, stylos, ou tout ce qui peut être échangé ou revendu. Certains sont des talibés, ces enfants inscrits à l’école coranique où, pour payer « leur pension », ils en sont réduits à mendier. Demba, qui est musulman, tente de justifier l’existence de ces écoles : pour beaucoup d’enfants, délaissés par leurs parents, c’est ça ou la rue, et les marabouts, les maîtres de ces écoles, ne reçoivent aucune aide pour les entretenir. Mais il n’empêche, nous savons aussi que beaucoup d’enfants sont exploités, que certaines associations les protégeant sont l’objet de menaces, et qu’auront-ils appris dans ces écoles, quel avenir leur est réservé ? Nous n’avons pas envie de contribuer à ce système, nous sommes mal à l’aise et finissons par les ignorer en faisant semblant de ne pas les voir. Nous nous sentons bien loin de la Casamance où, dans les campements villageois, on demandait aux touristes de ne rien donner aux enfants pour ne pas déstabiliser le système social et engendrer la mendicité…

Mais l’heure n’est pas à la mélancolie, il nous reste 10 jours avant la fin de notre périple et nous avons l’intention d’en profiter jusqu’au bout et de faire le plein d’images fortes. Nous arrivons au Djoudj en fin d’après-midi, après une halte à Saint-Louis où nous avons réservé notre logement du lendemain. Nous nous installons au campement Njagabaar, où l’on implique les villageois dans la gestion de la réserve en leur proposant, entr’autre, des fours solaires pour épargner le bois.

Le parc national des oiseaux du Djoudj, classé au patrimoine de l’Unesco, est une réserve ornithologique de renommée mondiale. Englobant une partie du fleuve Sénégal, il est l’une des premières zones au sud du Sahara à offrir de l’eau en permanence, ce qui en fait une halte cruciale pour les oiseaux migrateurs. Près de trois millions d’oiseaux transitent par le parc chaque année et on y dénombre plus de 350 espèces.

Le lendemain matin, nous partons de bonne heure pour une balade en pirogue qui, deux heures durant, nous amène à travers criques, lacs et marécages observer les oiseaux et la faune aquatique. Nous apprenons à reconnaître les hérons cendrés, les ibis, les spatules, les aigrettes, les cigognes noires, les grands cormorans, les oiseaux-serpents, d’autres dont nous avons oublié le nom et quelques aigles également. Au milieu des roseaux, nous dénichons deux crocodiles et trois varans et sur la berge, nous apercevons un grand nombre de phacochères. Mais le point d’orgue du Djoudj, c’est incontestablement les milliers de pélicans qui l’habitent en permanence. Nous en sommes cernés de toutes parts, ils sont sur l’eau, dans le ciel, par petits groupes ou par dizaines. Nous approchons du nichoir, un rocher où les petits, tout noirs, attendent leur pitance ou apprennent à nager en compagnie de leur maître-nageur. Et lorsque, en fin de parcours, ce sont des centaines de pélicans qui volent à quelques mètres au-dessus de nos têtes, le spectacle est saisissant, époustouflant … à tel point que Bruno filme la scène, caméra « en veille » !

Après la pirogue, c’est en voiture que nous partons vers le grand lac, où des colonies de flamands roses séjournent en attendant de remonter, dans quelques mois, vers la Camargue. Ils sont malheureusement un peu loin de la berge, mais la longue vue du guide nous permet de les contempler. Sur la route du retour, nous croisons un chacal et quelques singes patas, au grand plaisir des enfants.

Après cette magnifique excursion, nous redescendons vers l’île Saint-Louis, qui fût, au XVIIème siècle la première colonie française en Afrique. Nous y accédons par le pont Faidherbe, bel édifice de 507 mètres de long aux arches métalliques, emblématique de la ville mythique. Celle-ci, réputée pour son festival international de jazz, est classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000. Mais si l’on peut facilement imaginer sa splendeur passée au vu de son architecture, de ses belles façades colorées aux balcons en fer forgé, derrière lesquelles se cachent d’intéressants patios, beaucoup de bâtiments sont en ruine, négligés ou couverts de tags en attendant leur hypothétique restauration. Nous flânons un moment dans les ruelles ombragées en compagnie de Demba, avec lequel nous parlons beaucoup de l’islam. Il est très croyant et pratiquant mais se montre tolérant et ouvert aux autres convictions. Simple mécanicien, il a un excellent niveau d’élocution et Bruno passe de longues heures à discuter avec lui, dans la voiture ou en soirée. Nous logeons dans une auberge de jeunesse, L’Atlantide, et avant de quitter la ville traversons le quartier de Guet N’Dar, situé sur la presqu’île de la langue de Barbarie, elle-même séparée de Saint-Louis par deux ponts. C’est un gros village de pêcheurs, surpeuplé, où l’on se relaie pour dormir dans les cases minuscules : les enfants grouillent de partout pendant que leurs pères récupèrent de leur pêche nocturne ; les chèvres se disputent les immondices, papiers et cartons qui s’accumulent partout ; les centaines de pirogues multicolores attendent le départ de la prochaine sortie. Nous ne nous attardons pas et filons vers l’étape suivante, le désert de Lompoul.   

A mi-chemin entre Saint-Louis et Dakar, à une encablure de la côte, d’énormes dunes s’enfoncent sur quelques kilomètres à l’intérieur du pays et s’étendent à perte de vue. La route entre Kébémer, sur la voie principale, et le village de Lompoul est superbe … et propre. Quel bonheur de voir une nature intacte, sans ces immondes sacs plastiques ! Avant de rejoindre notre campement, nous improvisons un pique-nique dans les dunes, puis laissons la voiture au village avant d’être pris en charge par le 4x4 du Gîte Africain. Le trajet dans les dunes est secoué, les enfants s’éclatent ! Après 3 kilomètres, nous arrivons au campement, magnifiquement situé dans les dunes de sable blond, dont certaines sont vierges de toute végétation. Il se compose de quelques tentes mauritaniennes d’une dizaine de mètres carrés. Nous prenons possession de la nôtre, quatre matelas sur des nattes posées à même le sable, un poteau central, une toile recouvrant le tout.  Demba et les enfants, rejoints par trois gamins du coin, vont se rouler dans une dune, haute de près de 30 mètres. Il y a même un surf, et descendre la dune, assis, debout ou couché sur la planche est très amusant ! Le soir, après le couscous sous la grande tente, nous rejoignons notre logis. Serrés les uns contre les autres, dans le noir absolu, nous nous racontons des histoires, des souvenirs du voyage. J’adore ces moments d’intimité en famille…

Le lendemain matin, nous profitons encore des dunes avant de quitter le campement. C’est notre dernier jour avec Demba, il doit nous déposer le soir même à Popenguine, à une soixantaine de kilomètres au sud de Dakar, le long de la côte. Mais avant cela, nous voulons encore visiter le parc de Bandia, petite réserve faunique de 3500 hectares abritant des espèces endémiques du Sénégal et d’autres mammifères qui n’ont jamais vécu en Afrique de l’Ouest ou ont disparu de la région depuis longtemps. Il n’y a par contre pas d’éléphants, à cause de la petite taille du territoire, ni de félins, prédateurs des autres animaux. Nous circulons dans la voiture de Demba, en compagnie d’une guide.  Très vite, grâce à l’œil attentif de Thibault, nous voyons nos premiers impalas. Au fur et à mesure de notre progression, ce sont des antilopes-cheval, des kudus, des buffles, des girafes, des autruches, des singes et beaucoup d’oiseaux, dont les petits calaos à bec rouge et le rôlier d’Abissinie, de couleur turquoise. Les animaux sont visibles de très près, seuls les kudus et quelques antilopes s’enfuient à notre approche. En passant devant un garde, celui-ci nous signale avoir vu à proximité le seul couple de rhinocéros qui habite la réserve. Nous quittons la piste, partons à leur recherche et finissons par tomber nez à nez dessus. Nous n’avons jamais vu de rhinocéros aussi gros, ou alors d’aussi près… Toujours est-il qu’ils nous paraissent énormes, ils n’ont pourtant que 10 ans et pèsent à peine 3 ½ tonnes… Nous sommes à 5-6 mètres d’eux, un peu anxieux malgré tout, mais ils broutent paisiblement et nous pouvons les observer à loisir. Nous verrons également, au point d’eau, une dizaine de crocodiles et d’énormes tortues. Il n’y a que les zèbres que nous ne verrons pas, nous rappelant que nous ne sommes pas dans un zoo mais dans une réserve où les animaux évoluent en toute liberté…

Arrivés à Popenguine, à l’écart du tourisme de masse de la Petite Côte, nous renonçons à l’hôtel que nous avions réservé, trop triste et négligé, et finissons par trouver, avec l’aide de Demba, une petite maison surplombant l’océan. La vue est imprenable depuis le salon et la grande terrasse, et un petit escalier offre un accès direct à la jolie plage de sable quasi déserte. Nous déjeunons sous une paillotte, les pieds dans le sable, et achetons nos fruits et légumes aux mamas qui nous rendent visite tous les matins. Le village est situé en bordure de magnifiques falaises et d’une petite réserve naturelle, lieu d’agréables promenades. Nous apprécions pleinement de pouvoir nous poser, nous profitons bien de ces quelques jours de vraies vacances et ne pouvions rêver meilleur cadre pour clore en beauté notre périple… 

Nous reprenons l’avion mercredi soir, le 23 février, après cinq mois de voyage, en espérant échapper aux grèves d'Iberia et aux manifestations sanglantes pré-électorales qui secouent Dakar depuis quelques jours. Je reprendrai une dernière fois la plume dans une quinzaine de jours, pour en faire le bilan…

 

 

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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 12:17

Voici près d’un mois que nous sommes en Casamance et la perspective de la quitter ne nous enchante guère. Nous avons même repoussé la date de notre remontée vers Dakar, nous accordant ainsi quelques jours de plus dans cette région attachante.

Nous vadrouillons de village en village, de campement en campement, nous déplaçant en pirogue, en clando (voiture particulière) ou en taxi brousse, dans lequel s’entassent une bonne dizaine de personnes, bagages et chèvres sur le toit. Chaque village, chaque campement a ses particularités, nous offre telle ou telle expérience, telle ou telle rencontre marquante. Pas de paysages époustouflants, pas de vestiges du passé grandioses, mais une chaleur humaine exceptionnelle ! Partout, les conversations se lient spontanément, gratuitement, nous avons rarement été aussi peu sollicités pour notre argent. Il nous est arrivé de demander notre chemin à une famille en train de manger autour du bol, nous étions aussitôt invités à partager leur repas.

Il y a Elinkine, le petit village de pêcheurs. Sur la plage, ceux-ci s’affairent à charger leurs pirogues de bacs de glace et de provisions. Ils sont Sénégalais, Gambiens ou Guinéens. Ils partent en mer pour une quinzaine de jours, pêcher le requin qui sera amené par camion au Ghana, puis exporté vers l’Asie où on en raffole. Le départ se fait dans la discrétion car il ne faudrait pas qu’un voisin ou un pêcheur jaloux ne prie le marabout de jeter un sort à l’embarcation pour que la sortie tourne au cauchemar : un accident, un malade, une pêche infructueuse seront en effet attribués au marabout, les croyances animistes et superstitieuses sont encore très vivaces chez les Diolas.

Nous aussi, nous partons à la pêche, mais pour une demi-journée, et sur les bolongs. Ici, pas de requins, mais des poissons qu’on pêche à la ligne. Nous avons cependant dû être maraboutés car seul Damien parvient à attraper une carpe rouge d’une trentaine de cm. Il est fier comme Artaban, nous nous ferons un plaisir de la déguster grillée. Sur la berge du bolong, nous apercevons un crocodile qui mesure un bon deux mètres. Il paresse au soleil, la gueule grande ouverte. Augustin le piroguier nous apprend que, contrairement au caïman, le crocodile n’a pas de langue. Il ne peut donc pas manger sa proie dans l’eau mais doit l’assommer de sa queue ou de sa tête avant de l’amener sur la berge pour l’y dévorer. C’est toujours intéressant de savoir à quelle sauce on serait mangé, le cas échéant…

Il y a Djibril, l’instituteur de Thibault, qui se confond en remerciements pour avoir amené les enfants à l’école. Et les villageois qui nous saluent comme de vieux amis, mais qu’on est gênés de ne pas toujours reconnaître parce que pour nous, tous les Noirs se ressemblent… 

Il y a l’île de Karabane, que l’on atteint après une demi-heure de traversée du bolong, dans une pirogue publique surchargée au possible. Nous logeons chez Helena, nos chambres donnent directement sur une jolie plage de sable blond. Nous y goûtons nos premières huîtres sénégalaises, on les « récolte » sur les racines des palétuviers, dans la mangrove, et on les mange grillées. Il y a Helena, un personnage celle-là, adorable et autoritaire à la fois ! Elle impressionne les enfants lorsqu’elle les sermonne au sujet d’une grève de la soif qu’ils viennent d’entamer pour une broutille.  Et le petit Jules, poupon noir de 4 mois, dont les sourires nous font fondre mais qui rouspète quand sa maman l’attache dans son dos. Si ce n’était l’insalubrité des chambres, l’île aurait un petit goût de paradis… 

Il y a Oussouye, et le campement Emanaye. Une dizaine de chambres réparties dans une jolie case à étages dont les murs en terre prennent une magnifique couleur dorée à la tombée du jour. Nous y retrouvons Bernard, un sympathique belge rencontré à Elinkine, qui a enseigné dans une mission zaïroise dans les années 70. Il y a Elisabeth, la maîtresse des lieux, toute en rondeurs et magnifique dans ses boubous colorés, qui démarre au quart de tour quand elle entend trois notes de musique ; les gamins du quartier, qui apprennent à Thibault comment pousser une roue avec un bâton ; et ce père de famille rencontré au bui-bui du coin, qui tente longuement de sensibiliser Damien à ses responsabilités d’aîné, oubliant que celui-ci n’est encore qu’un enfant et que les deux frères n’ont que 18 mois d’écart.

Nous visitons la ferme aux noix de cajou où une jeune femme nous explique les cinq phases de traitement du précieux fruit. On en comprend mieux le prix élevé… Ainsi que le village potier d’Edioungou, où nous passons un bon moment à rire avec les trois femmes qui nous expliquent qu’entre deux réalisations, elles ne se privent pas de boire une lampée de vin de palme pour travailler dans la bonne humeur… Entre les deux villages, mal indiqués, nous sommes tour à tour guidés par un jeune étudiant et une mère de famille. Ils délaissent leurs activités pour nous accompagner et faire un brin de causette, ils ne demanderont rien pour le service…

Il y a le campement d’Enampore, immense case à impluvium comme on en trouve beaucoup par ici. L’eau de pluie se déverse dans un grand réservoir au centre de la case ronde, grâce à une ouverture aménagée dans le toit, laquelle laisse aussi passer une lumière diffuse, précieuse dans ces bâtisses dépourvues d’électricité. Nous visitons une case habitée par six familles apparentées. Chaque famille a sa chambre autour du centre. On se plaît à imaginer la vie entre cousins, la cuisine entre sœurs, les veillées qui réunissent toute la famille autour du feu …

Et puis, il y a Chicco, le jeune piroguier qui nous a été recommandé par une correspondante sur Voyage Forum. Nous le rencontrons à Oussouye. 26 ans, bâti comme un athlète, des tresses à la Bob Marley. Nous avons convenu de passer trois nuits chez lui, à Djiromait, nous ne savons pas trop à quoi nous attendre… En chemin, il tient à nous présenter son père, proviseur au collège de M’Lomp, à qui il voue un respect sans bornes. On le comprend, c’est un homme éduqué et plein de sagesse avec lequel nous partageons beaucoup d’idées.

Nous poursuivons notre route vers Djiromait. Après quelques kilomètres, la route s’arrête en pleine campagne. Il nous faut continuer à pied, dans le sable, sur quelques centaines de mètres. Nous laissons là nos valises, Chicco viendra les récupérer en pirogue (nous sommes en bord de bolong). Quelques bicoques en paille et banco avant d’atteindre la sienne, la dernière du hameau. Une maison en béton, portes, fenêtres et toit en tôle ondulée. Pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de toilettes. Devant la maison, face au bolong, canards, cochons et poulets-bicyclettes (surnommés ainsi parce qu’il faut se lever tôt pour parvenir à les attraper…) se promènent en toute liberté. Derrière, c’est la maison de Bouba et de sa famille. Les hommes viennent nous saluer, les femmes s’affairent en cuisine, les enfants accourent, curieux. Notre séjour s’annonce bien pittoresque…

Il a construit sa maison en ne comptant que sur lui-même et rêve d’y loger ses clients. Il met tout en œuvre pour aboutir, croit fermement à son projet tout en gardant les pieds sur terre. Mais même modeste, il nous semble loin du but : comment attirer des clients sans un minimum de confort ? Et comment financer un minimum de confort sans clients ? C’est l’injuste quadrature du cercle…

 

Chicco nous amène à la Pointe Saint-Georges, pour aller voir les lamantins, un genre d’éléphant de mer en voie de disparition. Il n’a pas les moyens de se payer une pirogue à moteur, et donc il rame… Nous pesons 200 kgs à nous 4, ce n’est pas rien… Par acquis de conscience, nous tentons de temps en temps de le seconder mais nos efforts ne sont pas très efficaces. Il ne se plaint cependant pas, il continue à rire, et à chanter en diola… La balade est agréable, nous voyons beaucoup d’oiseaux, des pélicans, des échassiers, des marabouts… Quelques dauphins également. Et bien sûr, les lamantins, que l’on observe depuis la berge.  

A peine rentré, Chicco s’affaire pour aller chercher de l’eau au puits à 400 mètres de là et préparer à souper. Pendant 3 jours, nous ne mangerons que du riz accompagné de crevettes, de poisson ou d’huîtres que Bruno et lui vont chercher dans la mangrove. Car ici, la viande est un luxe et les légumes ne poussent pas facilement en bord de bolong. Nous mangeons à la lueur des bougies et des torches et apprenons à connaître Chicco. D’une enfance difficile, d’une adolescence révoltée, il a su se relever la tête haute. Ce garçon nous touche énormément. Nous apprécions chez lui son courage et sa détermination, sa prévenance, sa générosité, les valeurs auxquelles il croit. Entre les enfants et lui se nouent des liens sincères, presque fraternels… Il leur donne un surnom diola, comme le veut la coutume : Ecobol pour Thibault, Eïlon pour Damien. Ceux-ci l’arborent fièrement, comme un totem.

Le lendemain, Chicco nous amène en balade dans les environs immédiats. C’est un bel endroit, on se croirait dans la savane au milieu des herbes desséchées et des baobabs. Nous partons retrouver deux de ses amis, récolteurs de vin de palme. Il faut les voir grimper au faîte du palmier pour recueillir les bouteilles qu’ils ont placées le matin, dans lesquelles s’écoule la sève blanche et mousseuse. A ce stade, avant fermentation, la teneur en alcool est minime. Le breuvage est versé dans un pot et l’un après l’autre, enfants inclus, nous nous passons la louche en bois de rônier pour y goûter. Il a un arrière-goût de cidre. Chicco en achète une bouteille, ses voisins ont promis de venir jouer du djembé le soir même.

Nous nous retrouvons autour du feu ; trois amis de Chicco sont là, sans djembé parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’en acheter, mais les bidons en plastique dans lesquels on puise l’eau feront l’affaire. On ne se lasse pas de les écouter, on va même chercher d’autres bidons pour se joindre au concert. Ils chantent en diola et improvisent des chansons autour de nos surnoms.

Avant de quitter Chicco, nous acceptons sa proposition d’assister avec lui à la fête de la récolte du riz à M’Lomp. C’est un week-end de luttes traditionnelles, un sport extrêmement populaire au Sénégal. En Casamance, la lutte est plus axée sur la technique que sur la force. Je n’aime pas trop les grands rassemblements mais Bruno et les enfants tiennent à y aller. Pendant que se rassemblent lutteurs et spectateurs du village, Chicco nous amène chez sa tante où, dans la cour, entre les cochons et les poules,  les femmes et les fillettes se font belles. L’une d’elles m’offre du vin de palme. Elles rigolent bien. Nous les quittons pour rejoindre le lieu de rassemblement. Je suis la seule femme. Les lutteurs s’habillent d’un simple pagne et de gris-gris, certains spectateurs sont déguisés en femme ; si j’ai bien compris, ce sont les mariés de l’année. Il y a des plumes de poulet partout, à cause des sacrifices qui ont eu lieu la veille et auxquels n’ont pu assister que les initiés. Un groupe d’hommes se met en cercle et se passe le bol de vin de palme. Une fois le cercle défait, nous y avons droit également. Certains ont déjà quelques longueurs d’avance…

Une fois les lutteurs prêts et les rituels accomplis, nous nous mettons tous en route pour rejoindre le stade, où doivent se retrouver tous les lutteurs des villages environnants. Cette fois, des femmes et des enfants se joignent au cortège. Celui-ci est bruyant, ça chante et ça danse. Certains se munissent de branches de palmier ou de bâtons pour scander le rythme des chants. Nous sommes les seuls toubabs au milieu de cette foule en liesse, c’est impressionnant, mais Chicco ne nous lâche pas d’une semelle. Il n’y a de toute façon aucune agressivité, au contraire, une fois la curiosité passée, nous sommes intégrés dans le groupe.

Nous arrivons au « stade », un grand terrain poussiéreux. Il y a déjà beaucoup de monde, les luttes inter-villageoises peuvent commencer. Un peu partout, les lutteurs s’affrontent. Il n’y a pas d’inscriptions préalables, chaque lutteur peut « inviter » un adversaire qui est libre d’accepter ou pas. Ils commencent par tourner prudemment l’un autour de l’autre, préparant leur attaque très rapide. Le gagnant est celui qui réussit à faire toucher les épaules de son adversaire au sol. Il n’y a aucune agressivité dans les gestes, aucun acharnement malsain. Lorsqu’un lutteur bien connu emporte la victoire, ses supporters accourent sur le terrain pour l’acclamer. Autour du terrain, les enfants s’essayent à la lutte, des groupes de danseurs se forment. Au bout de deux heures environ, nous décidons de rentrer à M’Lomp où nous allons passer la nuit dans un centre d’accueil de mères célibataires géré par deux religieuses. Chicco nous ramène en moto, en deux trajets. Sur la route, nous croisons un groupe excité et muni de bâtons. Je crains les ennuis, mais ils ne pensent qu’à la fête. Entre la lutte, le vin de palme et les bâtons, nous constatons avec bonheur qu’il n’y a eu aucun débordement. Et pendant ce temps, sur les forums, on prétend qu’aller en Casamance relève de l’inconscience…

Après ces semaines sans eau chaude et parfois sans électricité, nous décidons de terminer par un logement plus confortable au Cap Skirring, la station balnéaire de Casamance, et nous rendons au « Bolong Passion » tenu par un sympathique couple belgo-sénégalais, Thierry et Anne-Cécile. A notre disposition, une maisonnette avec deux chambres et kitchenette. On apprécie la douche bien chaude, le simple geste de pouvoir tirer la chasse nous contente… Les liens se nouent avec nos hôtes, les enfants font la connaissance de Guylain, 11 ans, le fils d’Anne-Cécile. Celle-ci, adorable et rigolote, nous raconte des histoires mystérieuses au sujet de Cabrousse, le village voisin. On y fête la fin de la récolte également, mais contrairement au reste de la Casamance, les toubabs ne sont pas tolérés. L’un d’entre eux aurait même été fortement molesté il y a quelques années pour avoir voulu être trop curieux. Même les femmes sont tenues à l’écart. Tout se passe dans le plus grand secret, les hommes partent quelques jours dans la forêt sacrée, Anne-Cécile évoque des sacrifices humains. Les rumeurs vont bon train dans cet environnement mystérieux…

Au Cap, nous profitons des belles vagues de l’océan et de la magnifique plage désertée et invitons Chicco à passer deux jours avec nous.

Nous sommes le 12 février, de retour à Ziguinchor pour y reprendre le bateau. C’est avec regret que nous quittons la Casamance, mais bien décidés à y revenir. Chicco et les enfants font déjà le projet de se revoir dans quelques années pour aller camper en brousse… 

 

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 16:52

Damien et Thibault se sont donc rendus, ce lundi 23/01, à l’école primaire d’Elinkine : Thibault en CM1 (5ème primaire) et Damien en CM2 (6ème primaire). Le programme scolaire sénégalais est en effet calqué sur celui de la France. Mais il faut savoir que, si les cours sont donnés en français, les élèves parlent chez eux le wolof ou, en Casamance, le diola. D’autre part, la plupart des élèves de primaire n’ont pas fréquenté l’école maternelle puisqu’avant la rentrée 2011, il n’existait qu’une école coranique à Elinkine. Ils sont donc partis avec un certain « handicap », ce qui explique sans doute que  leur niveau de français nous paraît bien bas et insuffisant. Par contre, les adultes le parlent relativement bien ;  il semble donc que le retard soit progressivement comblé…

Nous avons interrogé les enfants séparément après leur matinée scolaire. En voici le résultat…

Dans quel état d’esprit étais-tu avant de partir à l’école ? A quoi pensais-tu ?

Damien : Je ne savais pas comment ça allait se passer. J’avais peur qu’on dise tout le temps « toubab » à la récré et qu’il y ait plein d’enfants autour de moi.

Thibault : J’avais un peu peur. Surtout de la récré. Tous ceux qui allaient dire « toubabs » et qui allaient venir autour de moi. C’était plus la récré que le cours qui me faisait peur.

Ndlr : lorsqu’on traverse un village, beaucoup d’enfants nous appellent « toubabs » parce qu’ils ne connaissent pas notre nom. Il ne s’agit donc pas d’une injure et les enfants en sont bien conscients. Nous leur avons d’ailleurs appris à répondre « Non, pas toubab, Thibault (ou Damien) ». Il n’en reste pas moins que c’est parfois agaçant…

Comment as-tu été accueilli ?

Damien : Je suis rentré en classe. Le professeur a dit que je venais en classe et que j’apportais un ballon et des cahiers et il a demandé aux élèves de me remercier. Ils se sont tous levés. Il a aussi demandé aux enfants s’ils se souvenaient de mon nom. (ndlr : nous étions venus présenter les enfants la semaine précédente. Nous les avons également introduits chacun dans « leur » classe).

Thibault : Quand on est rentrés en classe, Djibril, le professeur, nous a accueillis.

A côté de qui t’es-tu placé ?

Damien : C’est le professeur qui m’a dit où m’asseoir, dans un groupe avec 4 élèves, 3 filles et 1 garçon. J’étais à côté du garçon. Mais à certains moments, il y en avait qui se rajoutaient. C’était embêtant parce que c’était des bancs attachés au sol et il n’y avait pas de dossier.

Thibault : Djibril a demandé où j’allais m’asseoir. Un enfant au fond de la classe a levé son doigt et comme il était tout seul, je suis allé m’asseoir à côté. Je ne sais pas comment il s’appelle.

Combien d’élèves y avait-il en classe ? Quel matériel ont les élèves ?

Damien : 24 élèves, je crois. Ils avaient des bics (bleu, rouge), une latte, une ardoise et une craie, deux cahiers. Dans leur bureau, ils avaient un livre avec du Français, des Maths… Le prof a été chercher 2 cahiers, une ardoise et 2 bics pour moi.

Thibault : 20 élèves. Le prof a demandé « Qui a deux ardoises ? ». Mon voisin m’en a donné une. Dans son banc, il avait une craie, deux cahiers, deux bics et une latte.

Quelles matières avez-vous étudié ? Est-ce que ça t’a paru facile ou difficile ?

Damien : D’abord le passé composé. On a fait quelques exercices. Les enfants levaient le doigt quand ils savaient. Ils disaient toujours « Mamsé ». Je ne sais pas si ça voulait dire « Moi, Monsieur » ou « Moi, je sais ».  On devait écrire la réponse sur l’ardoise, et puis le prof l’écrivait au tableau. Puis il a fait une synthèse sur le passé composé du premier groupe, avec l’auxiliaire être ou avoir, et on devait la recopier du tableau dans le cahier. On a aussi fait des exercices dans l’autre cahier et j’ai eu : « TBien 10/10 ». C’était facile, mais je crois que c’était des révisions.

Après, on a eu cours d’éducation civique. Ils ont ça une fois par semaine. La semaine passée, c’était sur la devise du Sénégal : « Un peuple, un but, une foi ». On a aussi vu la signification de l’hymne national et il a expliqué l’importance du salut au drapeau. Si on ne le fait pas pendant un évènement important, on peut aller en prison. On a aussi parlé de Léopold Sédar Senghor, le 1er président du Sénégal. Il y a aussi eu un cours d’éducation sanitaire, c’était sur la tuberculose.

Après la récré, on a fait des divisions écrites avec des nombres décimaux. Il a pris deux exercices dans mon livre. On les a fait sur l’ardoise, puis j’ai été au tableau faire le 1er calcul et un autre enfant le 2ème. Puis il demandait qui avait trouvé la bonne réponse. Ils ont une autre façon de faire les divisions écrites, plus compliquée.

Il y a aussi eu cours d’arabe avec un autre prof (mais l’autre restait en classe). Il écrivait des trucs au tableau et puis il les lisait. Mais je ne comprenais pas.

Thibault : On a commencé avec les adjectifs de couleur. On devait écrire sur l’ardoise une phrase avec un adjectif et puis montrer l’ardoise. Après, Djibril écrivait une phrase au tableau et ils la recopiaient dans leur cahier. Moi, je n’avais pas de cahier.

Après, on a vu l’imparfait des verbes du 3ème groupe. Il fallait écrire sur l’ardoise et puis certains allaient au tableau. J’ai été au tableau et je devais écrire la conjugaison du verbe « boire ». J’avais ajouté le « on » et « elle » (après « il »), mais les autres ne connaissaient pas (Djibril bien). En plus, il y en a qui croyaient que je m’étais trompé, parce que eux, ils avaient écrit « boivais »,… Quand ils voulaient aller au tableau, ils disaient « Mamsé ». J’ai aussi été au tableau pour corriger quelqu’un. Il s’était trompé et Monsieur a demandé si je  connaissais la réponse de « connaître » à l’imparfait alors j’y suis allé.

Puis, on a fait des divisions écrites avec deux chiffres au diviseur. Je n’en avais pas encore fait (j’en ai fait juste avec 1 chiffre ou alors je ne me souviens pas), mais j’ai fait comme avec 1 chiffre et c’était bon. Au début, je les faisais sur l’ardoise, mais comme je n’ai pas l’habitude pour effacer…, mon voisin m’a donné son cahier.

Est-ce que Monsieur parlait toujours le français ? Est-ce que tu comprenais tout ce que disaient les enfants ?

Damien : Oui, il parlait toujours français. Les autres enfants, je les comprenais mais parfois c’était dur.

Thibault : Oui, Djibril parlait toujours français. Les autres, je ne les comprenais pas toujours, surtout quand ils allaient au tableau.

Est-ce que Monsieur t’a interrogé sur la Belgique ?

Damien : Pendant le cours d’éducation civique, il m’a demandé si je connaissais la devise de la Belgique, j’ai dit « L’union fait la force » et il a expliqué ce que pour lui, ça voulait dire

Thibault : Oui, il m’a demandé d’expliquer ce qu’était la neige. J’ai dit que ça tombait du ciel, comme la pluie. J’ai expliqué qu’on faisait des batailles de neige et des igloos. Monsieur me posait des questions mais je ne me souviens plus trop, il a demandé si c’était amusant…

Comment s’est passée la récré ?

Damien : Quand Monsieur a dit qu’on pouvait aller en récré, une fille m’a dit « Tu vas jouer avec les garçons ? », alors je suis parti avec eux. On a joué au ballon. Il y avait un goal et chacun devait essayer d’avoir le ballon et marquer. Celui qui marquait allait au goal. On m’a proposé d’aller au goal pour commencer. J’ai vu ceux qui étaient chez Mas (ndlr : les enfants de la famille où on a passé une après-midi la semaine dernière) 

Thibault : A la récré, le prof a dit « Vous pouvez sortir ! ». On a été jouer au foot. Puis il y en a un qui m’a demandé s’il pouvait jouer parce qu’il croyait que c’était mon ballon. Il ne savait pas que c’était pour l’école. Pour faire les équipes, on s’est mis en file et on m’a mis en premier. C’était gai de jouer au foot. Quand je jouais, il y en avait qui disaient « toubab », mais je ne m’en occupais pas.

Est-ce que  Monsieur a donné des devoirs et des leçons aux enfants ?

Damien : Oui, on a trois calculs à faire.

Thibault : Non

Es-tu prêt à y retourner ? Tu as toujours peur ?

Damien : Oui, mais j’ai quand même encore un peu peur. A la récré, il y en avait quand même beaucoup des autres classes qui disaient « toubab ».

Thibault : Je ne sais pas si j’ai envie d’y retourner. Mais je n’ai plus peur, je me suis bien amusé…

 

A suivi une discussion sur la difficulté d’être « l’étranger », différent, d’être  montré du doigt, et sur les façons de réagir selon qu’on se place d’un côté ou de l’autre … Une leçon de vie dont ils devraient se souvenir longtemps…

 

 

 

 

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 13:43

Après plus de trois mois d’Asie, nous voici donc, le 8 janvier, en route vers l’Afrique. Dès Madrid, où nous faisons escale, le ton est donné : nous ne sommes que quelques toubabs (c’est ainsi que les Sénégalais appellent les « Blancs ») au milieu de tous les « Noirs », en costumes ou en boubous. Dans l’avion, on ne retrouve pas l’atmosphère feutrée de la plupart des vols. Ici, les passagers s’interpellent d’une rangée à l’autre, la discussion est animée. Ils mélangent le wolof (le dialecte majoritaire du Sénégal) et le français, ils parlent des prochaines élections (26 février). Le ton monte régulièrement, on craint à tout moment que ça ne dégénère en disputes, mais la rigolade finit toujours par l’emporter. Bruno et moi sommes sollicités par quelques voyageurs pour remplir leur fiche de police, ils ne savent probablement pas écrire. Après près de 4 heures de vol dans cette atmosphère survoltée, nous atterrissons enfin, vers 22.30 heures à l’aéroport de Dakar, d’où nous téléphonons à Ali, notre hôte des 4 jours suivants, pour qu’il vienne nous chercher. Il est passé minuit lorsque, exténués, nous découvrons l’appartement que nous lui avons loué à N’Gor, un village de pêcheurs au bord de l’océan, en périphérie de Dakar. Nous constatons d’emblée ce à quoi nous nous attendions : pour une quarantaine d’euros en Asie, le luxe s’offrait à nous alors qu’on en est loin ici. Mais nous nous affalons sur nos lits, le déferlement des vagues sur les rochers nous endort aussitôt.

Au petit matin, le spectacle qui s’offre à nous depuis notre terrasse sur le toit est plutôt désolant. Les rochers que nous surplombons sont jonchés de détritus. Des enfants y jouent pieds nus, cherchant des trésors de fortune dans les ordures. Ali, dépité, nous explique que le camion-poubelles a beau passer tous les jours à l’entrée du village, les villageois ne prennent pas la peine d’y amener leurs déchets. Tous les 2-3 jours, un feu est allumé sur les rochers, on y jette ordures ménagères, plastiques, caoutchoucs,… L’environnement est loin d’être une priorité ici. Le village n’est pas plus réjouissant. Dédales de ruelles étroites et sales, maisons de fortune… Sur la plage, les rapaces (nous n’en avons jamais vu autant…) se disputent les déchets de poisson et les moutons se promènent entre les pirogues. Quelques enfants nous saluent, quelques hommes âgés également, mais de manière générale, nous suscitons l’indifférence. Là aussi, on est loin de l’Asie où nous étions fatigués de répondre aux « hello ! »…

Une simple pirogue permet heureusement d’échapper à ce triste décor pour se rendre à l’île de N’Gor, juste en face. Le petit resto en bord de mer, les ruelles fleuries aux noms évocateurs (« passage des amoureux »,…), les peintures et sculptures que des artistes loufoques ont disséminées ça et là, la jolie plage et le pélican, presqu’aussi grand que Thibault, qui s’y promène sans crainte, suffisent à nous remonter le moral.

Une autre île également, l’île de Gorée que l’on rejoint en ferry depuis Dakar, nous plaît beaucoup. Même si son rôle durant la période de l’esclavage a été exagéré, elle n’en demeure pas moins associée à cette époque tragique. On y visite la Maison des Esclaves, où étaient enfermés ceux-ci pendant près de trois mois, dans des conditions inhumaines, avant d’entamer leur voyage sans retour vers le Nouveau Monde. Comme sur l’île de N’Gor, les maisons colorées, les bougainvilliers qui fleurissent partout, la gentillesse des habitants dégagent une telle atmosphère que nous regrettons de ne pouvoir y passer la nuit…

Le vendredi 13, nous quittons Dakar pour descendre en Casamance, en croisière de nuit. La Casamance, surnommée « le grenier du Sénégal » à cause de la fertilité de ses sols, est située à l’extrême sud du pays, en-dessous de la Gambie, elle-même enclavée dans le Sénégal. Son isolement et ses particularités ont été, dans les années 90, à l’origine de tendances séparatistes qui ont parfois tourné à la guerre civile. Peu à peu, les rebelles indépendantistes ont fait place aux coupeurs de route et pillards qui ont contribué à l’instabilité de la région. Aujourd’hui, bien que les conflits se soient dans l’ensemble apaisés, il reste des zones non contrôlées par l’armée et la Casamance continue à souffrir de sa mauvaise réputation. Sans compter que les investisseurs du nord et du centre du Sénégal n’ont pas toujours envie de voir se développer le tourisme dans cette région qui a tout pour plaire. Sur les forums de voyages, il suffit donc d’en évoquer le nom pour voir naître la polémique et se voir dissuadé d’y aller. Il faut être fameusement motivé pour s’y rendre… et nous le sommes. Car, outre la luxuriance de la région, les Casamançais sont, dit-on, particulièrement accueillants. Ils ont besoin des touristes et sont reconnaissants envers ceux qui « s’aventurent » chez eux.

Nous embarquons donc le vendredi soir à bord de l’Aline Sitoé Diatta, un bateau flambant neuf qui assure la liaison Dakar – Ziguinchor deux fois par semaine. Depuis le naufrage du Joola en 2002 qui a fait près de 2000 victimes à cause d’un problème de surcharge, les consignes de sécurité sont appliquées à la lettre et c’est à 7 ou 8 reprises que nous devons présenter nos passeports. La cabine 4 places que nous avons réservée est impeccable. Sur le pont arrière, les discussions sont animées, sur fond de musique sénégalaise. Les souvenirs du bac qui nous amenait à Moanda, où nous avons passé certaines vacances au Zaïre, me reviennent. Après une excellente nuit, nous arrivons dans l’embouchure du fleuve Casamance et les dauphins sont au rendez-vous pour célébrer notre arrivée. Certains nous accompagnent sur une longue distance, c’est magnifique !

Nous naviguons encore deux bonnes heures sur le fleuve, bordé de mangroves d’où l’on aperçoit bon nombre d’oiseaux, et arrivons en fin de matinée à Ziguinchor. Il y a beaucoup de militaires et lorsque nous nous arrêtons devant une guérite pour consulter notre plan, nous sommes vertement priés de déguerpir. Nous ne nous faisons pas prier et nous installons au «Flamboyant », un bel hôtel à prix très raisonnable. Il fait très chaud et nous profitons bien de la piscine.

Le lendemain, nous visitons la ferme aux crocodiles de Djibélor, à 6 km de Zig. Si les reptiles sont impressionnants, l’endroit est désert et négligé et nous ne nous y attardons pas. Le hic, c’est que le chauffeur de taxi qui a promis de venir nous chercher nous fait faux bond, la route est très peu fréquentée et nous sommes bons pour rentrer à pied. A l’entrée de la ville, un poste de police… Je réalise que nous n’avons pas nos passeports sur nous et craint que ce ne soit un prétexte pour nous racketter. Nous faisons profil bas en passant devant eux et ils nous regardent à peine. Ouf…

Le 16, il est convenu que le campement villageois d’Elinkine, notre prochaine étape, envoie un taxi pour venir nous chercher. En l’attendant, Bruno et moi allons au port acheter nos billets de bateau pour le retour à Dakar, prévu le 9 février. C’est lundi, les étudiants sont dans la rue. Il y en a tout un attroupement à proximité de l’hôtel lorsque nous revenons du port. A peine rentrés, nous entendons des cris. Les étudiants réclament leurs bourses promises depuis la rentrée. La manifestation dégénère, des détonations retentissent. Pétards ? Coups de feu ? Sur la terrasse de notre chambre, nous sommes aux premières loges mais nous préférons ne pas nous exposer et nous réfugier dans la chambre des enfants. Au bout d’1/2 heure, tout se calme, les étudiants se dispersent, nous mettons le nez dehors… Des convois de militaires, armés jusqu’aux dents, passent sous notre terrasse. Bruno fait mine de les filmer discrètement, mais je m’y oppose. Inutile d’aller au-devant des ennuis si nous sommes surpris… Le lendemain, nous apprendrons que la milice a tué un étudiant…

Vers 13 heures, Rambo le taximan vient nous chercher et nous amène au campement d’Elinkine. Les campements villageois, nés en Casamance, sont des petites structures d’hébergement dans le style traditionnel, construites et administrées par la communauté locale qui profite directement de ses revenus. Le nôtre est situé au bord d’un bolong, un de ces innombrables chenaux colonisés par la mangrove et formant un véritable labyrinthe au sein du delta du fleuve Casamance. Six cases rondes au toit de chaume et un restaurant où l’on mange ensemble le menu unique autour d’une grande table… Nous choisissons de nous y poser une semaine, pour prendre le temps de nous immerger dans le village tout en permettant à Bruno de préparer ses commandes et aux enfants d’avancer dans leur scolarité. Le campement offre en outre un formidable terrain de jeux à ces derniers : ils ne se lassent pas de courir au milieu des petits crabes pour les voir tous disparaître sous le sable, de grimper sur le cocotier qui pousse de travers, d’observer les petits crocodiles dans leur bassin, allant jusqu’à les tenir en suivant les directives de Luc, le gérant du campement.

Dès le lendemain de notre arrivée, nous faisons la connaissance de Sylvie, une Française amoureuse de la Casamance. Elle a rendez-vous avec un ami sénégalais et nous amène chez lui : une grande cour donnant sur six chambres, dans lesquelles vivent une trentaine de personnes. Nous sommes chaleureusement accueillis et le thé nous est offert. Les enfants jouent au foot et aux billes avec ceux de la maison. Le lendemain, nous y retournons pour aller chercher un genre de nougat d’arachides que la mama a préparé pour nous. Cette fois, c’est dans la maison que nous sommes introduits, ou plutôt dans sa chambre qui fait en même temps office de salon. Tous les enfants nous y rejoignent, nous devons être une vingtaine dans cette pièce, et chacun veut être photographiés avec nous.   

Nous visitons également l’école maternelle laïque d’Elinkine, qui a pu ouvrir ses portes à la dernière rentrée grâce aux bénéfices du campement villageois (avant cela, les enfants n’avaient d’autre choix que de fréquenter l’école coranique ou de rester à la maison). Trois jolies petites classes, mais peu de matériel… Quelques mosaïques apportées la veille par des touristes, une ardoise et une craie par enfant, des petites chaises qui font office de table… Mais les instituteurs sont motivés, et quel accueil ! Nous avons l’impression d’être des stars au milieu de leurs fans… Nous nous rendons ensuite à l’école primaire. C’est la récré, les instituteurs sont rassemblés en-dessous du grand baobab. La conversation s’engage avec Djibril, l’instit de CM1 (= 5ème primaire) mais aussi administrateur du campement et très impliqué dans la vie collective du village. Après la récré, il emmène Thibault avec lui pour le présenter à ses élèves, tandis que Damien part avec celui de CM2. Djibril propose ensuite d’amener les enfants à l’école ce lundi pour la matinée.

C’est donc ce matin que nous les y avons amenés, à la fois excités et un peu anxieux, apportant en cadeau deux ballons de foot pour la récré. D’abord Thibault, en CM1, puis Damien, en CM2. Il est maintenant 11 heures, c’est l’heure de la récré, nous les récupérons à 13 heures, curieux de savoir comment ça s’est passé. La suite dans le prochain article…

 

    

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 19:30

Nous avons passé un drôle de Noël à Bangkok.

Le 24/12, on se lève tôt car on doit aller de Ko Chang à Bangkok en bus. A 9.20, on est prêts et on attend le minibus de 9.30 qui doit nous emmener au port pour prendre le ferry et puis le bus. A 9.25, un taxi public s’arrête et nous fait signe de monter ; nous montons, pensant que c’est celui qui doit nous prendre. Au bout d’un moment, le taximan demande à tout le monde de payer. Nous, on a déjà payé la veille à une agence donc, nous ne voulons plus payer mais il insiste et s’énerve. Heureusement, on est devant une autre agence, où un gars comprend le malentendu et téléphone au minibus qui devait nous prendre. Bref, on s’était trompé de taxi.

Après une traversée d’une demi-heure en ferry, on attend longtemps le bus. Le trajet en bus se passe bien mais 4 heures de bus la veille de Noël, c’est embêtant.

Le soir, nous partons à la recherche d’un resto pas trop cher parce que le lendemain, on a réservé dans un bon restaurant. Mais on cherche longtemps parce qu’on est dans un quartier chic et ce qu’on trouve n’est pas terrible. 

En rentrant à l’hôtel, on voit plein de policiers qui bloquent les rues. On arrive à l’hôtel et maman demande pourquoi, mais elle ne comprend pas bien la réponse. Vers 22h., des explosions retentissent. Papa crie « Tous à terre ». Maman se couche par terre, moi (Damien), je regarde s’il y a de la place sous le lit et moi (Thibault), je cherche une cachette. On croit qu’il y a des criminels dans le coin qui sont recherchés par les policiers ou qu’il y a un attentat à l’Ambassade de France juste à côté de l’hôtel. Papa regarde par la fenêtre et voit des reflets de lumière sur les fenêtres du bâtiment d’en face. Il sort complètement de la chambre et voit que ce ne sont que des feux d’artifice pour Noël. Ouf !

Le 25/12, on voulait faire la grasse matinée, mais papa se lève tôt car il doit aller voir des fournisseurs de ceinture (pour son travail) et il réveille tout le monde. Pendant qu’il est parti, on nage dans la piscine de l’h, puis on travaille. Après, papa revient avec une bouteille de jus de canne à sucre et le jus se renverse sur un cahier de mathématiques.

Ensuite, nous allons à Chinatown pour acheter des cadeaux de Noël mais beaucoup de magasins sont fermés et ceux qui sont ouverts n’ont que des jouets pour les bébés ou les filles. Maman achète des chaussures pour le restaurant du soir parce que les tongs n’y sont pas permises.

On se réjouit du grand restaurant qu’on a réservé pour le soir. Mais quand on rentre à l’hôtel, papa téléphone au resto car on a un petit doute, et pas de chance, c’est pour le 24 décembre qu’on avait réservé… A la place, on se retrouve dans une sorte de cantine très bruyante où les Thaïlandais viennent manger en famille.

Et voilà comment s’est passé notre Noël à Bangkok !

 

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 12:27

J’aurais voulu intituler mon article « Le père Noël est thaïlandais », mais notre Noël à Bangkok a plutôt été un flop… (voir l’article des enfants « Joyeux Noël à Bangkok »). Après l’épisode des inondations au mois d’octobre, nos plans dans la capitale ont donc une fois de plus été contrariés, c’est à croire qu’elle ne nous aime pas… Ce n’est pas grave, on a pris le parti d’en rire, et ce Noël en Asie restera gravé dans nos mémoires comme une péripétie de plus dans ce voyage plein de surprises…

Mais les derniers jours avant le départ vont nous apporter leur lot d’images fabuleuses que nous ne sommes pas prêts d’oublier, et cette première partie du voyage finira en apothéose…

Le 26/12, il y a d’abord la visite des khlongs, avec Thuan, un Franco-Thaï rencontré sur Forum Voyage. Les khlongs (canaux) formaient autrefois un important réseau de communications, mais peu à peu, les routes les ont remplacés, les motos et les voitures ont supplanté les bateaux. Il en reste actuellement près de 3000 km quand même. Les khlongs ont beaucoup souffert des inondations. L’eau est montée de plus d’un mètre et beaucoup d’habitants ont dû quitter temporairement leur maison et se reloger à leurs frais, le gouvernement n’ayant rien fait pour eux. Thuan est à l’origine d’une ONG « Live on the khlongs », qui soutient les commerçants qui n’ont pas les moyens d’entretenir ou de réparer leur bateau. Car vivre sur les khlongs fait qu’on est complètement tributaire d’un bateau puisque, oubliés par les pouvoirs publics, ils sont inaccessibles par routes. En visitant les khlongs avec lui, nous participons donc au financement de l’ONG.

C’est lundi, il n’y a donc pas de marché et les enfants sont à l’école.  Mais nous avons quand même l’occasion de croiser plusieurs marchandes ; il y a « Madame bananes frites », « Madame brochettes »,… qui cuisinent sur leur bateau. Il y a aussi le facteur en bateau, les électriciens en bateau et bien sûr les pêcheurs qui relèvent d’énormes filets depuis la rive. Devant les maisons sont suspendus des drapeaux dont la couleur correspond  à un code (« j’ai besoin de … », « je vends … »,…). D’énormes poissons-chats s’amassent devant les temples, car on n’a pas le droit d’y pêcher. Deux jeunes boudhistes « acquièrent des mérites » en relâchant des petits serpents dans l’eau. Nous avons l’occasion de voir deux varans à la recherche de nourriture sous les maisons sur pilotis.

L’après-midi, nous visitons le Wat Arun, un temple dont les parois sont recouvertes de fragments de porcelaine de Chine formant de jolies rosaces. La montée très raide au sommet offre un beau panorama sur le Chao Phrayo, la rivière qui traverse la capitale du nord au sud.  Nous nous baladons au marché aux amulettes et sommes surpris par le nombre de moines, loupe en main, à la recherche de certaines médailles. Ils ont tous un GSM, il semble loin le temps où ils ne possédaient rien…

Nous avons réservé pour les deux derniers jours deux chambres à la Greenleaf Guesthouse, en lisière du Khao Yai National Park, classé au patrimoine de l’Unesco. Au bord de la grand-route, la guesthouse ne paie pas de mine mais ses chambres à 300 baths sont claires et propres. Et surtout, elle organise des treks de qualité, ce pour quoi nous venons.

Le mardi après-midi, nous partons en petit groupe vers une cascade. L’eau est d’une clarté incroyable. Pendant que nous nous baignons, notre guide déniche un serpent, tout fin, qui doit faire près de 150 cm de long. Il arrive à l’attraper pour nous le montrer, puis insiste pour nous le déposer sur les bras. Il jure qu’il ne mordra pas si nous restons calmes et ne le touchons pas. Bruno accepte, puis tout le groupe y passe, je ne peux pas me dégonfler. Je suis un peu crispée, surtout quand le serpent s’enroule autour de mon poignet, mais j’ai dépassé ma peur, c’est déjà ça… Après quoi bien sûr, le serpent retrouve son arbre. Après la cascade, nous visitons un temple-grotte où les moines viennent méditer, dans le noir, des nuits entières. Le guide nous montre les chauves-souris qui sommeillent, de la pipistrelle à d’autres bien plus grosses. Elles quitteront bientôt la grotte pour aller chasser, et, à leur retour, retrouveront la même place. Il attrape également une énorme araignée, c’est le même topo que pour le serpent, mais là, c’est au-delà de mes forces, je me cache discrètement derrière Bruno… Nous terminons la journée à proximité d’une autre grotte où vivent des millions de chauve-souris. Nous n’y entrons pas, nous sommes là pour assister à leur départ en chasse. Et sur le coup des 17.30h, elles se mettent à quitter la grotte par vagues, il y en a des milliers. Elles passent au-dessus de nos têtes, c’est époustouflant ! Le flux dure près d’une heure, elles doivent être 2 millions au total d’après le guide. Autour des nuages de chauve-souris volent des rapaces, eux-mêmes en chasse…

Le lendemain, c’est la journée entière que nous allons passer dans le parc. Nous circulons en pick-up débâché, ce qui nous permet de profiter à fond du paysage, magnifique. A l’avant, notre guide guette toute vie animale susceptible de nous intéresser. Il a repéré un calao (un genre de toucan) et arrête le véhicule. Nous le remarquons à notre tour et le magnifique oiseau est rapidement rejoint par un deuxième.

Nous continuons notre chemin et entendons des cris aigus. Des gibbons… Nouvel arrêt. Les singes sont loin, nous avons du mal à les distinguer, mais leurs cris sont émouvants. Le guide nous apprend à distinguer celui du mâle de celui de la femelle. Nous partons sur leur trace, mais ils sont trop loin, nous ne parvenons pas à les rattraper.

Nous poursuivons par un trek de trois heures dans la profondeur de la jungle. Nous sommes équipés de guêtres anti-sangsues et nous enduisons d’anti-moustiques contre les tiques. Nous sommes entourés de ficus et de fougères géants, des lianes barrent régulièrement notre chemin. Enfin, si on peut parler de chemin.... Le guide est continuellement à l’affût. Il repère un moment un cobra, mais celui-ci détale avant qu’il ne puisse le saisir dans son objectif. Il nous montre une termitière et des traces de griffes d’ours sur un tronc. Mais il est manifestement déçu, ce sont des gibbons qu’il cherche. Et au moment où nous désespérons d’en trouver, il en repère deux : un brun et un noir. Ils ne crient pas cette fois, mais sont par contre bien visibles. Il y en a bientôt d’autres, nous les voyons sauter de branche en branche, parfois sur une distance de 4-5 mètres. Les enfants sont aux anges, nous aussi !

Après le trek et un lunch au pied d’une tour d’observation, nous repartons vers une cascade. Et là, Thibault – encore lui ! – glisse sur un rocher et tombe tête la première, sur le côté gauche du visage. Il a mal, a un bel hématome sur la joue, mais parvient à marcher jusqu’au pick-up.

La dernière partie de la journée est consacrée à la recherche d’éléphants sauvages. Ils sont près de 300 à habiter le parc et nous espérons bien en voir, d’autant plus que le guide en a repéré un la veille. Pendant que nous roulons, Thibault, qui a mal à la tête, s’endort sur mes genoux. Nous roulons longtemps, mais pas de trace du moindre éléphant, et le jour commence à tomber. Soudain, un barrage nous arrête, la famille royale doit passer par là. Notre guide descend du véhicule, et revient aussitôt, tout excité ! Un chauffeur a vu trois éléphants une dizaine de km plus loin. Le nôtre fait demi-tour et fonce littéralement vers l’endroit indiqué. Et en effet, sur le côté de la route, une mère, un petit et un troisième de taille moyenne. Nous nous arrêtons à une quinzaine de mètres d’eux ; les éléphants viennent sur la route, le petit encadré par les deux autres. Mais qui dit « petit » dit « danger », et de fait, la mère s’avance vers nous, se met à barrir et commence à charger. C’est la panique à bord mais le conducteur, sur le qui-vive, s’en éloigne aussi vite. Les éléphants retournent sur le bas-côté, notre conducteur fait marche arrière tout en maintenant une distance raisonnable entre eux et nous. Deux autres pick-up nous rejoignent. Eux s’arrêtent à hauteur des éléphants pour les observer de plus près, et une nouvelle fois, la mère charge. Nouveau coup d’accélérateur, nouvelle poussée d’adrénaline, ce ne serait pas la première fois qu’un éléphant renverse un véhicule… La mère rejoint heureusement ses deux petits et après une dizaine de minutes où les passagers des deux autres pick-up ont tout le loisir de les mitrailler de leurs objectifs (en ce qui nous concerne, notre vue est malheureusement limitée à cause de la végétation), les trois éléphants s’en retournent dans la forêt. Après ceux, domestiqués, de Luang Prabang, les éléphants auront une fois de plus été un des points forts de notre voyage…

Le pauvre Thibault, décidément bien sonné, n’a pas suivi pleinement la scène. Il se rendort pendant le long trajet du retour, et remet son lunch. Il vomit une seconde fois à l’arrivée. Nous commençons à craindre une commotion, le mettons au lit et décidons d’attendre le lendemain avant de consulter un médecin. Je passe la nuit avec lui, il dort paisiblement jusque 3 heures du matin où il se plaint d’un mal de tête et vomit une troisième fois. Un Perdolan l’aide à se rendormir, et le lendemain, lorsqu’il se réveille et qu’il me demande si on va manger de la raclette en Belgique, on respire…

Nous rejoignons Bangkok dans le meilleur bus que nous n’ayons eu jusqu’ici et passons la journée au bord de la piscine du Swan Hotel, où nous avions séjourné à Noël, avant de prendre notre vol de nuit pour Amsterdam. Une nouvelle fois, KLM est à la hauteur de nos espérances, nous avons un train dans l’heure suivant l’atterrissage et à l’arrivée à Bruxelles-Midi, Marina est là pour nous accueillir et nous conduire chez la maman de Bruno où nous attendent cougnous de Noël et un excellent repas bien belge !

Et c’est ainsi que nous clôturons la partie asiatique de notre voyage, avant de nous envoler, dans une bonne semaine pour le Sénégal !

 

 

 

 

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 08:53

Nous sommes donc à Phnom Penh le 2/12, un jour avant Pierrot. En attendant son arrivée, nous partons à la découverte de la capitale cambodgienne : le quai Sisowath et son agréable « promenade » le long du fleuve ; le quartier aéré de l’universit ; le temple Vat Phnom, où l’on peut acheter un moineau pour lui rendre la liberté en faisant un voeu, avant qu’il ne retourne de lui-même dans sa cage ; les maisons coloniales, autrefois magnifiques mais complètement abandonnées aujourd’hui… On réalise à quel point Phnom Penh a dû être belle dans le passé… Mais Phnon Penh, c’est aussi une grande ville asiatique, avec une circulation délirante, tuk-tuk, motos et voitures circulant à contre-sens sans se soucier des piétons. Traverser une rue met les nerfs à rude épreuve, et que dire d’un boulevard… Nous terminons la journée avec les Marseillais en tour du monde, avant de retrouver Pierrot, qui nous rejoint à l'Europa Guesthouse après une vingtaine d’heures de vol et une bonne demi-heure de tuk-tuk dont il profite pleinement.

La journée du lendemain démarre fort pour lui car Bruno nous entraîne, à peine levés, au marché. A côté des habituels poissons-chats qui agonisent sur une natte, un étal attire notre attention : des grenouilles, sans tête et sans peau, continuent à sauter, elles semblent encore respirer…. Pour un premier contact avec l’Asie, il est servi… Mais les odeurs âcres de poisson séché à l’heure du petit déjeuner deviennent vite incommodantes et nous quittons le marché pour nous rendre dans le quartier du Palais Royal, avant de nous consacrer à la visite de Tuol Sleng, une ancienne école qui, sous le régime de Pol Pot, a été transformée en centre de détention et de torture, baptisé S-21. Devenu musée aujourd’hui, c’est un témoignage bouleversant des atrocités commises par les Khmers Rouges. Les murs sont tapissés de milliers de photos d’identité, celles des prisonniers (y compris femmes et enfants), tous exécutés par la suite, que les KR prenaient systématiquement à leur arrivée au camp. Les regards en disent long et la visite est éprouvante. Nous ne regrettons pas l’absence des enfants restés à l’hôtel pour travailler. 

La suite du programme est heureusement plus réjouissante puisque nous partons vers le sud dès le lendemain, direction Kampot, où nous avons loué une maison khmère aux « Manguiers », un magnifique domaine idéalement situé au bord d’une rivière ; puis Kep, sur la côte. Au menu « activités » :

Pl    - plongeons et baignade dans la rivière : Pierrot invente de nouveaux jeux, les enfants sont ravis… ;

Dé    - dégustation, confortablement installés sur notre terrasse, crickets et geckos en fond sonore, de l’excellente bouteille qu’il nous a ramenée. Deux mois que nous n’avons plus bu de vin, on apprécie le geste à sa juste valeur… ;

Ex    - expédition en pirogue, à la nuit tombée, pour voir le scintillement des lucioles dans les arbres : on dirait des guirlandes clignotant dans un sapin de Noël ;

C      - cylisme à Kampot, petite ville au passé colonial, dont on se dit qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’elle retrouve son charme d’autrefois ;

Ka     - kayak dans la « Green Cathedral », le Marais Poitevin du Cambodge : il faut trouver son chemin dans les méandres de la mangrove, passer sous des tunnels végétaux. Pas un bruit, à part celui des oiseaux. Nous revenons au crépuscule, éclairés par la pleine lune. Quel beau moment !

Ra     - randonnée dans le Parc National de Kep, aux confins de la jungle, à l’affût des écureuils ;

-                -  balade le long de la « promenade » de Kep, d’où l’on peut voir quelques vestiges de villas  des années 50, tristement abandonnées par leurs habitants à l’arrivée des Khmers Rouges. Les impacts des balles dans les murs témoignent de ce qui s’y est passé, il nous est recommandé de ne pas nous aventurer dans les jardins à cause des mines qui peuvent encore s’y trouver…

Et pour couronner le tout, Pierrot nous offre un festin de crabes au Kimly, une institution à Kep. Cinq crabes par personne, trois préparations différentes, dont celle au fameux poivre vert de Kampot, le meilleur du monde paraît-il. Pendant que nous nous régalons, les bateaux de pêche reviennent. Les paniers de crabe sont amarrés à quelques mètres de la terrasse qui surplombe la mer, les crustacés attendent leur heure dans leur environnement, on ne peut rêver plus frais…

Mais une semaine, c’est vite passé, et tandis que Pierrot prend un taxi pour rejoindre l’aéroport de Phnom Penh, nous passons une nouvelle journée de bus pour remonter dans le nord-ouest, vers Battambang. Nous avons en effet décidé d’écourter notre séjour dans le sud pour quitter plus rapidement le Cambodge et terminer la première partie de ce voyage par des « vacances ». Car faire et défaire ses valises tous les trois jours en moyenne pendant près de trois mois, emprunter des bus, souvent inconfortables, comme principal moyen de transport, gérer déplacements et logements au jour le jour et donner cours aux enfants n’a rien de reposant … Une certaine lassitude s’installe aussi, et je commence à ne plus voir le sourire des Cambodgiens derrière la misère et la saleté de certains endroits. Côté nourriture, c’est pareil, les enfants et moi nous mettons à loucher vers les menus occidentaux, seul Bruno résiste encore... En bref, nous rêvons de plages de sable, de mer et de farniente… Il est temps de changer d’air, mais pas avant de faire du bamboo train à Battambang, de rejoindre Siem Reap par bateau et de voir les temples d’Angkor bien entendu.

Le bamboo train fait partie de ces expériences appelées à disparaître au Cambodge, au nom de la modernisation. Il n’y a d’ailleurs pratiquement plus qu’à Battambang qu’on peut encore l’emprunter. Un bamboo train est un plateau de 6 m2 environ, couvert de fines lattes de bambou sur lesquelles on s’assied, posé sur deux essieux et muni d’un moteur de 6 CV. Circulant sur une voie unique, il peut atteindre une vitesse de croisière de 25 km/heure. Ca semble peu, mais on a l’impression de filer sur les rails tortueux, dans un bruit de claquement métallique ! Lorsqu’un autre bamboo train arrive en face, le plus chargé a la priorité. Les passagers du moins chargé descendent, les conducteurs démontent plateau et essieux et les posent sur le côté avant de les remonter, une fois passé le train prioritaire. C’est rigolo, le parcours est bucolique à souhait et comme nous sommes 7 avec le chauffeur, nous avons souvent la priorité, ce qui est plutôt reposant…

A Battambang, nous faisons également la connaissance de Sam, un jeune Khmer qui a grandi en France et s’est installé au Cambodge il y a quelques années pour y ouvrir une maison d’hôtes. Il parle  le langage de sa génération et les enfants l’adoptent immédiatement. A moto (Sam et les enfants) et en tuk-tuk (Bruno et moi), nous sillonnons la campagne des environs. En une matinée, nous apprenons tout sur la fabrication de la pâte de poissons, indispensable dans la préparation de nombreux mets khmers ; celle d’un bateau de pêche, de bâtons d’encens et du barbecue de cuisine en terre cuite. Nous savons le rôle de la feuille de bétel et de la noix d’arec dans le « dentifrice cambodgien »; et même la pâte de riz, base des rouleaux de printemps, n’a plus de secrets pour nous. Rien ne se perd dans le riz : la « tige de l’épi » nourrit les bœufs, l’enveloppe du grain (le son) sert de combustible et c’est avec le « riz cassé », qui ne fera pas un beau grain, qu’on fait la pâte de riz. Un bel exemple d’agriculture intégrée… Nous terminons la journée par un cours de cuisine chez Nary’s Kitchen, que Thibault nous a promis de raconter dans un prochain article. Au menu : rouleaux de printemps – fish amok – curry vert de poulet.

Le 12/12, nous prenons le bateau pour Siem Reap. L’embarcation est étroite, les sièges sont en bois et le bruit du moteur est infernal. Au bout d’une demi-heure, tout le monde se retrouve sur le toit, au milieu des bagages. C’est nettement plus confortable, même si on finit par y cuire… Le Lonely Planet décrit le trajet comme le plus beau du Cambodge, et en effet, nous ne sommes pas déçus. Après un début peu emballant, la rivière s’élargit. Ce n’est bientôt plus qu’une vaste étendue d’eau, ponctuée de verdure. A certains endroits, la végétation forme un étroit couloir que le bateau emprunte. Les petites barques que l’on croise doivent s’écarter dans la mangrove pour céder le passage. Beaucoup d’oiseaux habitent le marécage, c’est le paradis des ornithologues. Ici et là, nous rencontrons des villages flottants, habités par des Vietnamiens d’après ce qu’on nous en a dit. Ces villages ont leurs épiceries, leur école, leur temple et … leur karaoké et leurs antennes satellites. Leurs chiens, leurs cochons et leur basse-cour. Chaque famille a sa barque puisque le moindre déplacement se fait sur l’eau. Elles vivent essentiellement de la pêche et font sécher le poisson sur le toit de leurs bicoques. En arrivant à Siem Reap, la rivière se jette dans le Tonlé Sap, le plus grand lac d’Asie du Sud-Est. Il est tellement large qu’on a l’impression de naviguer en mer…

Nous passons 5 jours à Siem Reap, dont les trois premiers à nous reposer avant de nous « attaquer » aux temples d’Angkor. Nous logeons au « Shadow of Angkor 1 », une jolie guesthouse avec une large terrasse donnant à la fois sur notre chambre et sur la rivière. L’endroit est aéré, c’est parfait pour l’étude des enfants. Nous visitons une ferme séricicole, où tout nous est expliqué, depuis l’élevage et le nourrissage des vers jusqu’au tissage de la soie, et où Bruno ne peut résister à l’envie de croquer une larve, à l’arrière-goût de cacahuète d’après lui ; De retour en ville, Bruno et Thibault se font enlever les peaux mortes des pieds par des centaines de petits poissons voraces qui attendent leur déjeuner dans des aquariums géants ; en ce qui me concerne, ils devront se contenter de ma main, sensations garanties... Et nous retrouvons une dernière fois  la famille en tour du monde, rencontrée à 4 reprises entre la Thaïlande et le Cambodge. C’est toujours un plaisir d’échanger autour de nos vécus respectifs…

Et puis bien sûr, nous visitons Angkor, ou du moins, une toute petite partie de ses temples puisque ceux-ci se comptent par dizaines. Une première journée est consacrée à Angkor Vat, le plus majestueux et tellement harmonieux ; au Banteay Kdei, avec sa multitude de portes et de couloirs concentriques ; au Ta Prohm, dont les pierres sont inexorablement mêlées aux racines des fromagers ; et au Bayon, aux 216 visages énigmatiques regardant dans toutes les directions. Malgré la chaleur et la longueur de la journée, les enfants apprécient les visites et y trouvent leur compte : à Angkor Vat, les bas-reliefs représentant des batailles, des scènes de lutte entre le bien et le mal et des dieux hindoux les captivent. Les autres temples se prêtent à merveille aux parties de cache-cache…

Le lendemain, nous partons en tuk-tuk vers le Beng Mealea, situé à une bonne heure de route de Siem Reap. Comme le Ta Prohm, il est envahi par la végétation, la jungle y a repris ses droits. Mais au Ta Prohm, des cars entiers se déversent régulièrement et chaque touriste fait la file pour se faire photographier (chacun à son tour, même pas en groupe…) devant chaque pierre, devant chaque arbre. Prendre une photo d’un endroit « déserté» relève presque de la mission impossible et c’est à la limite du supportable. Au Beng Mealea par contre, nous sommes presque seuls et nous nous plaisons à nous mettre dans la peau des explorateurs qui ont découvert le site ou à imaginer le tournage des « Deux frères » de J-J Anaud. Les enfants adorent le temple également, puisqu’il faut grimper, escalader et sauter de pierres en pierres pour le découvrir en profondeur.

Au retour, notre tuk-tuk emprunte une magnifique route à travers la campagne. Les chariots transportant bois, fagots de riz ou paysans sont tirés par de beaux boeufs, assez maigres et tout blancs. Dans un village, un groupe attire notre attention : des femmes sont juchées sur un énorme tas de fagots de riz, qu’elles jettent dans une machine. La machine sépare les grains de riz et le « fourrage ». Les hommes mettent le riz en sac. Nous nous arrêtons pour prendre quelques photos, mais une femme m’invite à venir les aider. Je ne peux que m’exécuter, et me voici à mon tour à balancer des fagots dans la machine, bientôt rejointe par Bruno et les enfants. L’ambiance est bonne, le travail n’est pas difficile, nous sommes donc efficaces et y prenons goût même si la paille nous pique de partout… Au bout d’une demi-heure, nous prenons congé et recevons, en guise de remerciement, une bouteille de riz…

Le 18/12, nous quittons Siem Reap et le Cambodge. Il nous reste 11 jours avant le retour en Belgique et nous avons décidé de nous octroyer de vraies vacances avant de rejoindre Bangkok. Nous avons opté pour l’île de Ko Chang, pour sa proximité avec le Cambodge, même s’il faut de nouveau 1 jour de route pour l’atteindre.

Nous trouvons deux huttes en bambou pour 500 baths (12,5 euros). A ce prix-là, c’est évidemment très sommaire, mais c’est inespéré en cette veille de fêtes. Nous passons là 5 jours à flemmarder et à nager, dans la piscine de la guesthouse et dans la mer. A faire du snorkeling également puisque nous partons en bateau explorer les fonds marins des îles voisines. Rien d’exceptionnel par rapport aux îles Gilli’s mais il y a d’énormes oursins et nous voyons un poisson-lune, qui prend la forme d’un ballon de foot quand on le touche. C’est vraiment étonnant !

Le 23, au matin, les enfants découvrent que le père Noël est passé, en la personne d’une adorable thaïlandaise qui a déposé sur leur terrasse deux beaux avions. Ils sont ravis et la remercient avec un dessin de circonstance. Il y a des (faux) sapins dans les restaurants ; sur la plage, on prépare Noël également…

24/12, nous sommes en route pour Bangkok. Il y a tout juste un an, la neige immobilisait la Belgique. Comme beaucoup, nous nous voyions contraints de réveillonner à nous 4. Au menu : ce que nous avions sous la main, des pâtes au saumon. Mais nous avons trinqué au voyage : nous venions d’obtenir le feu vert de l’école, première concrétisation de notre projet. Aujourd’hui, après les longues heures de bus, il n’y aura pas non plus de grand réveillon ; mais nous avons réservé une table dans un bon restaurant le 25, et c’est à la deuxième partie du voyage que nous porterons un toast…

En attendant le dernier article consacré à la fin de notre périple en Asie, nous vous souhaitons à tous un … JOYEUX NOEL !!!

 

 

 

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 12:55

Nos premiers jours au Cambodge sont marqués par la déception et par un incident impromptu, heureusement suivis d’une rencontre exceptionnelle…

Il y a d’abord l’entourloupe au bus pour le passage du Laos au Cambodge. Nous avons réservé, depuis Don Khon, au Laos, un trajet en bus « VIP » vers Ban Lung, dans le Ratanakiri, une province reculée du nord-est du Cambodge. Bus VIP signifie en principe bus climatisé et direct (il y a juste un changement prévu à Stung Streng, sur la route principale descendant vers la capitale), avec siège réservé, rien de plus, mais c’est tout de même plus confortable qu’un bus local pour un long trajet.

Le passage de la frontière nous fait passer de fonctionnaires en fonctionnaires où l’on laisse chaque fois quelques dollars au passage. On prend même notre température, un prétexte de plus pour nous faire payer un certificat de bonne santé tout à fait inutile… Après une bonne heure d’attente à la frontière, un bus nous récupère, nous amène à Stung Treng où l’on nous demande d’attendre patiemment le suivant. Il fait chaud, il n’y a rien à faire dans cette ville sinon passer à la banque pour acquérir nos premiers riels. Nous traversons le marché, beaucoup de femmes sont en pyjama, alors qu’il est passé midi. Elles ne le quittent pas, c’est l’habit confortable et bon marché par excellence... Le bus finit par arriver au bout de 4 heures. Oublié le bus VIP, c’est un bus local qui nous attend, qu’on a évidemment payé au prix fort depuis le Laos. Les enfants et moi, ainsi que deux Françaises qui nous accompagnent, trouvons des places dans le fond. Il n’y a plus de places pour Bruno, le chauffeur lui propose un tabouret dans l’allée (…), mais nous nous serrons pour lui faire de la place. Le charme des transports en communs… Trois heures interminables sur une route cahoteuse à avaler une poussière rouge, propre au Ratanakiri. Nous arrivons vers 19h. au lieu des 16h. annoncées ; nos valises, sortant de la soute, sont couvertes d’une couche rouge…

Nous n’avons rien réservé et acceptons la proposition d’un jeune gars qui nous suggère un hôtel. Un tuk-tuk serait bienvenu, mais il est à moto et ne veut pas lâcher l’affaire. Il rameute trois copains et nous voilà embarqués, chacun sur une moto avec une valise. Il fait complètement noir, nous sommes séparés et nous ne savons pas où ils nous emmènent. Une petite angoisse me traverse mais nous arrivons à bon port, dans un bel hôtel au bord d’un lac, où Bruno arrive à négocier la chambre à 15 USD.

Le lendemain, nous nous rendons en ville. Nous avons l’impression d’être au bout du monde. Nous n’avions pas, au départ, l’intention de nous rendre dans cette région reculée, mais nous avons changé d’avis sur un coup de tête, ce que nous regrettons rapidement. La ville n’a absolument rien d’engageant, il n’y a pas de centre proprement dit, ce n’est qu’un long boulevard bordé d’échoppes proposant du bric à brac ou des téléphones portables.  Pas un touriste (même notre hôtel est désert), pas une guesthouse avenante où nous puissions nous renseigner sur les possibilités dans la région. Mais beaucoup de grosses voitures, des Lexus essentiellement, conduites par des gradés… Au fil des rencontres que nous ferons dans le pays, nous apprendrons que tous les postes clefs de l’administration, de la police aux ministères, sont détenus par d’anciens Khmers Rouges, corrompus jusqu’au cou, et que le Cambodge est un paradis pour le blanchiment d’argent : il suffit de construire un grand hôtel et de déclarer des nuitées fictives (non taxées ici puisqu’il n’y a pas d’impôt) pour pouvoir injecter l’argent sale dans le circuit économique… C’est, semble t’il, surtout le fait des Chinois, des Coréens et des Philippins.

Nous tournons en rond avant de louer un vélo pour nous rendre à Boeng Yeak Lom, un lac résultant probablement d’un impact de météorite d’il y a 700.000 ans, à 5 km de Ban Lung. C’est un lieu sacré pour les ethnies locales, mais il est à présent investi par les stands de nourriture et par les Khmers qui viennent y pique-niquer malgré les panneaux d’interdiction, ce qui enlève tout le charme de l’endroit. Nous restons là à observer les familles qui viennent se faire prendre en photo sur le ponton lorsqu’arrive une bande de « folles ». Ils sont une dizaine, pantalons moulants, talons hauts et sac à main, et exagérément maniérés. Nous en croiserons un autre groupe dans l’ouest du pays, ce qui surprend dans un pays aussi traditionnel… Sur la route du retour, trois jeunes collégiens, à vélo comme nous, nous accompagnent. Ils parlent un bon anglais, veulent tout savoir de nous, et surtout si nous aimons le Cambodge et les Cambodgiens. Ils n’ont rien à nous vendre, ils veulent juste parler, une chouette rencontre…

Nous pensions, le lendemain, visiter les environs, qui en valent certainement la peine, mais lorsque Bruno nous réveille à 6h. pour nous annoncer que nous pouvons rejoindre Kratie, notre prochaine étape, le matin même, nous n’hésitons pas. Cette fois, c’est en minibus, entassés tous les 4 sur une banquette, que nous sommes embarqués. Nous mettons plus d’une heure avant de quitter la ville car le minibus fait des tas de détours pour aller chercher des passagers puis s’arrête pendant un bon moment au milieu de nulle part. Et bien sûr, personne ne parle un mot d’anglais pour nous dire ce qu’on attend pour démarrer…

Nous finissons par arriver à Kratie en début d’après-midi, mais tombons dans une ville en chantier. Nouvelle déception… Mais nous sommes venus pour voir les dauphins de l’Irrawady, une espèce en voie de disparition depuis qu’ils ont été chassés pour leur huile sous le régime de Pol Pot. Nous partons en tuk-tuk vers le point de départ de l’excursion en faisant d’abord une halte au Phnom Sombok, un temple dans lequel vit une communauté de « nonnes » boudhistes. Elles sont une quinzaine, toutes habillées de blanc, comme le veut la tradition, rassemblées dans le temple pour prier. Nous faisons le tour du temple et remarquons une colonie de macaques. Les enfants sont évidemment curieux, et ce qui devait arriver finit par arriver… nous ne voyons pas arriver un singe qui agrippe et mord le mollet de Thibault avant de déguerpir. Le bermuda de Thibault a heureusement limité la morsure et il n’y a pas vraiment de plaie. Mais notre fiston est évidemment choqué et nous pensons tout de suite à la rage. Les nonnes, alertées par nos cris, accourent et se rassemblent toutes autour de Thibault pour le consoler et le rassurer. Nous renonçons évidemment à l’excursion et notre chauffeur nous amène au dispensaire. C’est une unique salle donnant sur la rue, avec quelques lits à l’intérieur sur lesquels reposent surtout des femmes et des bébés. A l’entrée, des patients reçoivent un baxter, une poche de liquide suspendue à un bâton de bambou, et s’installent à l’arrière d’une moto pour rentrer, ainsi équipés, chez eux. Il n’est évidemment pas question d’y faire soigner Thibault, nous voulons juste l’avis d’un médecin, mais celui-ci est à l’hôpital, ce qui n’est finalement pas plus mal… Nous rentrons donc à l’hôtel pour faire le nécessaire auprès d’Europ Assistance qui nous recommande, à l’instar de l’Institut Pasteur de Bruxelles que Nanou a contacté, de faire vacciner Thibault dès que possible. Grâce au vaccin préventif qu’il a eu avant le départ, nous ne cédons pas à la panique, mais sommes malgré tout peu disposés à admirer, de la terrasse de notre hôtel, le magnifique coucher de soleil sur le Mékong.

Avant de quitter Kratie pour l’Institut Pasteur de Phnom Penh, nous demandons au taxi que l’hôtel nous a trouvé, de faire un crochet pour aller voir les dauphins. Une pirogue nous amène sur le Mékong et très vite, nous les apercevons. On n’en voit que la nageoire dorsale, car ils ne sautent pas hors de l’eau comme les nôtres, mais c’est malgré tout très excitant de deviner l’endroit d’où ils vont surgir. Le Mékong, à cet endroit, est magnifique de surcroît et lorsque le piroguier coupe son moteur, on a l’impression d’être seuls au monde, hormis les dauphins et les oiseaux…

Nous arrivons à l’Institut Pasteur en début d’après-midi et sommes rapidement reçus par une médecin qui parle Français. Thibault reçoit donc sa première dose de vaccin, et doit revenir trois jours après pour la suivante. Peu désireux de rester à Phnom Penh en attendant, nous demandons au chauffeur de nous amener dans un homestay auprès duquel nous avons réservé deux nuits.

Il s’agit d’un couple mixte, lui est Américain, elle est Khmère et ils ont deux enfants. Ils vivent très simplement, en pleine campagne, et nos bungalows, en paille et bambou, sont dépourvus d’électricité. Pas de douche non plus, nous nous lavons avec un broc et l’eau du puit. Mais nous passerons chez eux deux jours riches en découvertes de toute nature.

Au niveau culinaire d’abord, puisque Keng nous concocte, à chaque repas, un menu de fête. Nous n’en laissons pas une miette, même les enfants se régalent…

Ensuite, Keng se révèle être une excellente guide. Durant ces deux jours, elle nous emmène, à pied ou à vélo, dans la campagne environnante, observer la récolte du riz ; celle du sucre de palme, qu’on recueille en suspendant des godets de bambous aux grappes de fleurs poussant au faîte du palmier ; voir les plantations de lotus, dont on recueille les graines, qui se mangent crues ou grillées et qu’on exporte en masse au Vietnam ; voir une fabrique de brique : le travail y est pénible et les conditions de vie, pour ceux qui restent sur place, difficiles mais ils sont payés à la pièce, et s’ils travaillent dur, ils peuvent gagner 5 USD par jour, ce qui ici, est un bon salaire ; assister au tissage du krama, un tissu à carreau, emblématique du Cambodge, qui peut servir de foulard, de serviette, de ceinture… Thibault, installé devant le métier à tisser, finit par avoir le coup de main après quelques essais…

Et surtout, durant ces deux jours, nous aurons l’occasion d’apprendre plein de choses sur le passé et le quotidien des Cambodgiens. Keng n’a pas sa langue en poche, c’est une femme intelligente qui porte un regard très critique sur son pays. Elle nous parle sans tabous parce que nous sommes occidentaux, mais critiquer le régime devant un autre Khmer reste délicat, la méfiance est de mise.

Nous en apprenons d’abord sur son passé. Sous le régime de Pol Pot, ses parents étaient considérés comme des « Anciens », les paysans, par opposition aux « Nouveaux », les citadins, souvent des intellectuels, qu’on a déporté des villes pour les envoyer aux travaux forcés dans la campagne. Au départ, ils n’ont donc pas trop souffert de l’arrivée des Khmers Rouges, les soutenant même puisqu’ils avaient fait tomber le gouvernement corrompu de Lon Nol (soutenu par les Américains) et espérant qu’ils feraient revenir leur roi bien-aimé Sihanouk exilé en Chine. Mais la situation s’est peu à peu dégradée pour les Anciens également. Des Khmers plus radicaux sont arrivés au village et ont tué les premiers Khmers, avant de s’en prendre aux civils. Les familles ont été séparées, Keng envoyée dans un camp pour enfants, alors qu’elle n’avait que 7 ans, où elle a connu les privations et en était réduite à manger les insectes qu’elle trouvait en allant travailler…Beaucoup de leurs voisins ne sont jamais revenus au village. L’arrivée des Vietnamiens en 1978 a fait fuir les Khmers Rouges vers l’ouest, avant qu’ils n’aient eu le temps de poser des mines dans le village.

Mais c’est surtout de la situation actuelle dont elle nous parle, de la corruption dans laquelle le pays est englué. En cas d’accident de la route, mieux vaut s’arranger à l’amiable car appeler la police n’aura aucun effet, si ce n’est d’en remplir les poches. A l’hôpital, un billet à l’infirmière ou au médecin permettra d’être pris en charge plus rapidement. Déclarer la location de leur bungalow est inutile puisque la taxe sera directement empochée par le fonctionnaire local. Elle nous parle aussi de leur crainte de voir leurs enfants kidnappés en échange d’une rançon, à cause de la jalousie que pourrait susciter leur succès ; de ces Cambodgiens, qui partent travailler en Thaïlande où ils sont exploités dans la construction (mais toujours mieux payés qu’ici), confiant leurs enfants à leurs vieux parents, qui n’ont d’autre choix que de travailler dans les rizières ; des hommes qui, de temps en temps, passent au village au volant de leur belle voiture pour tenter d’attirer les jeunes filles à Phnom Penh ; des « mauvais moines » qui choisissent de porter la robe et la sébile par facilité…

Et puis, nous parlons beaucoup de la situation médiocre de l’enseignement, avec elle et avec son amie, Vuoch, enseignante. Damien a publié à ce sujet un article intitulé « La classe de Raa, au Cambodge », dans «La parole aux enfants ». Selon Keng, les enfants n’apprennent rien à l’école, et son mari est convaincu que l’Etat abandonne volontairement les écoles rurales dans le but de « fabriquer » une force de travail. Pour y pallier, elle complète elle-même l’instruction de ses enfants et espère pouvoir les envoyer dans une école internationale à Singapour, pour autant qu’ils puissent décrocher une bourse sur base d’un dossier de motivation. Elle donne également des cours d’anglais aux jeunes du village, pour 5 USD par mois ou en échange de riz ou de légumes pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens. Vuoch estime que 2/3 de tiers de sa classe n’y a pas sa place. Le problème est que « repêcher » un enfant en difficulté, ou même repérer celui qui sort du lot, est impossible dans une classe de 50 élèves. D’autre part, faire redoubler un enfant qui n’a pas le niveau requis, n’est souvent pas envisageable. En effet, les ONG qui subsidient l’enseignement, comptent sur un taux de réussite important. Il faut donc fausser les statistiques pour qu’elles continuent à alimenter la manne. L’enseignant n’a donc d’autres choix que de faire passer ses élèves dans la classe supérieure, et dans le cas contraire, s’il n’a pas un taux de réussite « satisfaisant », sera considéré comme un mauvais enseignant tout en risquant sa place. En fin de primaire, les élèves qui savent lire ne comprennent souvent pas ce qu’ils lisent. En fin de cycle, un examen est organisé. Et comme tous les domaines, celui de l’enseignement n’est pas épargné par la corruption. On achète le silence des surveillants pour qu’ils ferment les yeux sur la tricherie, on achète son diplôme… Dans ces conditions, on comprend qu’il est difficile de motiver un professeur et ce n’est souvent pas la vocation qui les attire vers ce métier…

Le vendredi 2/12, nous quittons la famille, enrichis par cette rencontre. Le chauffeur de taxi, qui doit nous amener à Phnom Penh pour la seconde injection de Thibault, ne comprend visiblement pas ce que nous sommes venus chercher dans ce coin perdu dépourvu d’électricité…

Après la seconde piqure de Thibault à l’Institut Pasteur, notre taxi nous dépose à l’Europa Guesthouse, une GH familiale située en plein cœur de Phnom Penh, à deux pas du Quai Sisowath. C’est dans cette guesthouse que nous devons retrouver Pierrot (mon frère), qui arrive le lendemain soir pour une semaine au Cambodge.

 

 

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 12:10

Dans la classe de Raa, il y a 110 élèves avec un seul professeur, qui a donc divisé la classe en deux : une première partie a école le matin et la deuxième partie l’après-midi. Les enfants du matin aident leurs parents l’après-midi et les enfants de l’après-midi les aident le matin, en travaillant avec eux dans les rizières ou à la maison, et surtout en s’occupant de leurs petits frères et sœurs.

Il arrive que des professeurs ne viennent pas en classe parce qu’ils doivent aider la famille à la récolte du riz ou parce qu’ils ne sont pas assez payés et qu’ils font un autre travail. Pendant ce temps, les élèves restent à la maison ou vont travailler avec leurs parents.

Tous les enfants portent le même uniforme. Normalement, ils devraient apprendre les mêmes choses que nous, mais ils n’en ont pas les moyens : la plupart des élèves n’ont pas de livres (et n’en ont jamais eu chez eux), ni de cahiers. Beaucoup d’élèves terminent leurs primaires en ne sachant pas bien lire ni écrire. La plupart des parents n’ont pas été à l’école. Ils ne savent donc pas les aider et n’ont jamais de contacts avec les professeurs.

Il y a des contrôles une fois par mois et des examens trois fois par an, mais il n’y a jamais de réunion des parents.

Ils vont à l’école à vélo, à pied, et parfois ils font 10 kilomètres. Pour ceux qui habitent trop loin, ils y vont en camion rempli d’enfants ou en chariot, tiré par un genre de motoculteur, ou en scooter (ils sont à 5 sur un scooter et c’est un élève qui conduit sans son permis).

A partir de 10 heures, il commence à faire fort chaud à l’extérieur et dans les classes et c’est difficile de travailler (il fait en moyenne 30° toute la journée). Ils ont des cours de gym sur le terrain de récréation mais ils n’ont pas d’autres activités (piscine, excursions,…). Le terrain, avec de l’herbe et des arbres, est rectangulaire et toutes les classes sont disposées autour. Il n’y a pas d’étages. A la récréation, ils jouent au foot, à la corde à sauter et aux billes : ils peuvent en acheter à des petits magasins qui se trouvent dans l’école (3 pour 100 riels = 2 cents) et ils ne jouent pas de la même manière que nous. A midi, ils mangent chez eux parce qu’il n’y a pas de réfectoire.

Je trouve que cette école est bien pour les récrés parce qu’il y a de l’herbe et des arbres dans la cour. Mais ils n’apprennent pas grand-chose et ils n’auront pas un bon métier plus tard.

 

 

 

 

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